GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE
Échelles et complexité
Échelle spatiale
Le site d’une entreprise sera analysé sur une carte à grande échelle (correspondant à un petit territoire), la situation sur une carte à petite échelle. L’échelle est un des grands problèmes épistémologiques de la géographie ; elle détermine la nature des processus explicatifs. Aucune échelle n’est suffisante en soi : les échelles s’emboîtent. Chaque échelle conduit à des espaces différents de conceptualisation, d’observation et d’action, particulièrement en économie : les facteurs qui interviennent à une échelle spatiale peuvent perdre leur pertinence à une autre ; dans un pays en croissance, il peut donc exister des régions en décroissance, dans lesquelles sont pourtant localisées des entreprises florissantes. Chaque niveau joue un rôle spécifique, en association avec les autres.
Proximité et friction de la distance
Localisation et interaction spatiale ne peuvent se définir que lorsque l’espace est différencié, organisé et structuré. La première « loi » de la géographie (Tobler, « A computer movie simulating urban growth in the Detroit region », in EconomicGeography, 1970) stipule que toute chose est liée à toute autre, mais que les choses proches le sont encore plus. Les interactions sont plus fréquentes et intenses entre lieux proches ; une grande distance freine les échanges, sauf si les échanges concernent des biens rares ou précieux. La friction de la distance désigne l’effet de l’éloignement sur l’intensité des interactions entre lieux ; elle dépend du milieu géographique (parcourir 1 km à pied est perçu différemment en ville qu’à la campagne), du type d’interaction (les marchandises périssables subiront une friction plus importante), du nombre d’alternatives (la station-service la plus proche sera choisie, mais, s’il y en a beaucoup, c’est le prix qui interviendra comme critère de choix) et d’effets de frontière-barrière (une frontière linguistique freine les déplacements).
La proximité géographique est la distance entre deux lieux pondérée par le coût, en temps ou en valeur monétaire, de son franchissement. Divers facteurs expliquent la diminution des coûts directs (c’est-à-dire liés à la distance) du transport, mais cette réduction va de pair avec une augmentation des coûts indirects (congestion, pollution, etc.). À titre d’exemple, le prix moyen d’un aller-retour en avion entre Londres et New York est passé de 7 200 dollars en 1946 à 800 dollars en 2012 (en dollars de 2012). Cette mesure objective peut être accompagnée d’une mesure subjective, un jugement porté par les individus sur la nature de la distance géographique qui les sépare et la difficulté (réelle ou perçue) de la franchir. À la distance physique se joint une distance sociale et relationnelle, avec des conséquences qui peuvent être dramatiques en matière d’emploi par exemple.
Complexité
Acteurs et processus, localisés et interagissant à diverses échelles, sont en relation, en équilibre, en dynamique : on change un élément, et c’est tout le système qui se modifie. Inspirés par les avancées de la dynamique des systèmes, des géographes proposent aujourd’hui de considérer les phénomènes spatiaux dans leur complexité, c’est-à-dire comme des systèmes dont les constituants agissent les uns sur les autres selon des règles changeantes, ce qui leur permet d’évoluer vers une plus grande complexité. Les phénomènes spatiaux ne sont plus considérés comme une agrégation de particules figées dans le temps, mais comme des réseaux de flux dynamiques. Les régularités de l’espace dépendent maintenant de la logique des systèmes, de la connectivité et de l’autorégulation des composantes, faisant émerger des organisations spatiales. Les systèmes passent par des situations en déséquilibre, contrairement à l’économie qui suppose un équilibre. Des réseaux de firmes multinationales se déploient ainsi dans[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Isabelle THOMAS : docteur ès sciences, directrice de recherche F.R.S.-FNRS, professeur à l'École de géographie de l'université catholique de Louvain (Belgique)
Classification
Médias
Autres références
-
DÉTROITS ET ISTHMES
- Écrit par Nathalie FAU
- 6 042 mots
- 5 médias
En dépit de l’immensité océanique, les routes maritimes concentrent les flux de navires et « forment des faisceaux de quelques dizaines de kilomètres de large alors que leur longueur peut être de plusieurs milliers de kilomètres pour relier un continent à un autre » (Frémont, 2008). Les détroits...
-
MARITIMISATION DE L'ÉCONOMIE
- Écrit par Geoffroy CAUDE
- 3 979 mots
- 8 médias
Depuis l’Antiquité, la voie maritime a permis aux navigateurs de commercer en transportant dans leurs navires des quantités de marchandises très supérieures à celles que permettaient les voies terrestres – ainsi, les Égyptiens, qui allaient jusqu’à Sumatra quelque 1200 ans avant notre ère ou, plus...