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GÉOGRAPHIE HUMANISTE

Étudier la Terre comme « la maison de l'homme », tel est le premier objectif de la géographie humaniste, introduite en partie, dans les années 1960, par l'école française de géographie régionale consciente de l'importance des phénomènes culturels, en partie par la phénoménologie. Une « maison » à la fois matérielle et idéale, car elle n'est pas seulement conçue comme une unité statistique dans la géographie humaniste, mais comme un lieu de vie unique pour chaque habitant de la planète.

Le renouveau de la géographie humaniste date des années 1970, en réaction contre le positivisme logique qui envahissait la géographie anglo-saxonne à la suite de la « révolution quantitative ». Elle entendait redonner sa place à l'homme, à ses valeurs et à ses expériences existentielles. Une phrase du géographe anglo-canadien David Ley, l'un des pionniers du courant humaniste, résume bien son objectif : « Nous l'avouons sans détour, c'est le côté poétique de la géographie qui nous touche », et certains auteurs vont jusqu'à comparer l'approche de ce courant avec l'intuition de l'artiste. Ouverte à l'observation, à la description de la réalité vécue, la géographie humaniste retient ce que certains auteurs américains qualifient de « conscience préscientifique » pour aborder l'intériorité humaine, si importante pour comprendre la relation de l'homme au monde. Judy Olson (in David Ley et Marwyn Samuels, Humanistic Geography : Prospects and Problems, 1978) évoque la recherche de la complexité dans la simplicité, alors que le positivisme engage plutôt à la recherche de la simplicité dans la complexité. La géographie humaniste se veut ainsi récit de l'expérience unique que chaque personne éprouve sur Terre, un rapport sensible, intuitif, faisant appel à l'imaginaire, au rêve, à l'esprit.

La géographie humaniste puise également ses sources dans la phénoménologie et l'existentialisme. Elle refuse les découpages rigides entre monde objectif et subjectif, le sujet étant impliqué dans le processus de connaissance (Bachelard). Ainsi, le géographe humaniste peut s'attacher à saisir les expériences de vie qui lient les hommes aux lieux. Le concept de Lebenswelt (« monde vécu »), développé par Edmund Husserl, est ainsi utilisé pour concevoir une géographie des significations que les hommes donnent à leur espace de vie.

La personnalité et l'intuition du chercheur sont explicitement mises en valeur dans une démarche qui s'appuie sur la réflexion et l'observation libres. C'est à partir de la transcription des entretiens ouverts avec les acteurs que sont recherchées les significations de l'espace vécu.

La littérature et les arts sont également des sources très utiles au géographe humaniste, en particulier pour mieux valoriser le sens du lieu, par exemple dans des récits de voyage, des romans ou même dans des textes historiques et des peintures. Le chercheur qui envisagerait d'entreprendre une géographie du vieux Saint-Pétersbourg gagnerait à relire Crime et Châtiment de Fiodor Dostoïevski, à écouter le récit de ceux qui, au quotidien, lui donnent vie ou à s'abandonner à une dérive urbaine en parcourant la ville actuelle. Dans cette dérive, selon les cas, il parlerait de topophilie pour les lieux que les gens affectionnent et de topophobie pour ceux qu'ils rejettent. Les géographes humanistes parlent même de « génie des lieux » lorsque ceux-ci, porteurs de symboliques fortes, deviennent valorisés par l'imaginaire collectif, au point d'en faire des « hauts lieux ».

Cette géographie, très influencée par la philosophie et les arts, se veut pluridisciplinaire. Avec le philosophe, elle se penche sur l'essence de l'homme : avec l'anthropologue, elle questionne les mémoires collectives[...]

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Écrit par

  • : docteur d'État, professeur à l'université de Genève (Suisse)
  • : docteur de l'université de Montpellier-III, attaché temporaire d'enseignement et de recherche

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