GÉOGRAPHIE
Une science à part entière ? Un guide de l'action territoriale
Le désir de se singulariser par rapport aux autres sciences et aux autres thèmes d'enseignement, tant dans les universités que dans l'enseignement secondaire, et surtout le souci de se placer avantageusement dans le cadre des institutions de recherche ont poussé les maîtres de la géographie, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, à se recommander des méthodes et de la référence des « sciences de laboratoire ». Premier effet, lourd de conséquences, le détachement des sciences historiques, qui ne figurent plus qu'à titre accessoire dans les études supérieures de géographie, et la préparation de la nouvelle « agrégation de géographie » créée en 1943. On organise les premiers « laboratoires » de géographie, à l'instar des sections scientifiques, avec un appareillage emprunté aux sciences physiques et aux sciences de la nature et un entourage de techniciens traitant des échantillons extraits du milieu naturel pour fournir l'explication par des lois naturelles des phénomènes de la géomorphologie et de la morphogenèse. On introduit en même temps le « langage » mathématique, qui, synchroniquement, trouve sa place dans diverses autres sciences humaines, surtout l'économie, mais aussi la sociologie. La question se pose désormais de savoir s'il y a une ou plusieurs géographies, et si l'on peut toujours se prévaloir du titre de géographe sans le faire suivre d'une épithète restrictive quant à la compétence, mais qualificative sur le plan sectoriel de l'approfondissement de la recherche spécialisée. La différenciation, qui était circonstancielle à l'occasion de la participation à des commissions constituées au sein des comités nationaux de géographie ou de l'Union géographique internationale pour rassembler en un temps donné une somme de connaissances sur un objet particulier et promouvoir des recherches sur ce thème (habitat rural, morphologie littorale ou agriculture tropicale...), devient définitive, et les réunions professionnelles ou les congrès ne sont plus que des rassemblements de spécialistes qui ne se rencontrent que lors de la cérémonie officielle d'ouverture et du banquet de clôture.
De nouveaux moyens d'information au service d'une géographie utilitaire
Par un phénomène de convergence, la géographie évolue de façon similaire, sinon identique, dans d'autres pays, mais dans un contexte généralement beaucoup plus pragmatique, sauf en Italie. À côté de l'académisme et du scientisme français se développe une géographie pratique qui retrouve et affirme sa vocation de fournir les éléments de maîtrise de l'espace. La géographie est appelée, concurremment avec d'autres disciplines, à fournir des informations aux planificateurs de l'espace à des échelles diverses allant du remembrement rural, de la restructuration des quartiers urbains, de la stabilisation de topographies fragiles (géographie des « versants ») à l'économie régionale de l'eau ou à l'organisation de l'espace régional et continental dans les pays en voie de développement. Certes, la recherche de l'explication de la dynamique de l'espace est toujours indispensable, mais elle n'est plus une fin en soi ; elle est un moyen de définir les actions des programmes. Le pragmatisme anglo-saxon a donné sa forme la plus expressive à cette nouvelle application de la géographie dans les opérations de town planning et de land planning et, tout naturellement, le vocable de « géographie appliquée » est apparu dans le langage des géographes.
Simultanément, l'arsenal des moyens de collecte et de traitement de l'information s'est enrichi très rapidement, grâce à la mise en œuvre de techniques nouvelles communes à toutes les disciplines scientifiques. Les méthodes de la[...]
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Écrit par
- Dominique CROZAT : maître de conférences à l'université de Montpellier-III
- Jean DRESCH : directeur de l'Institut de géographie de l'université de Paris
- Pierre GEORGE : membre de l'Institut
- Philippe PINCHEMEL : professeur à l'université de Paris-I
- Céline ROZENBLAT : maître de conférences H.D.R. en géographie à l'université de Montpellier-III
- Jean-Paul VOLLE : professeur agrégé des Universités, professeur à l'université de Montpellier-III-Paul-Valéry
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