GÉOLOGIE Histoire
Le XVIIe siècle et les théories de la Terre jusqu'en 1729
La mentalité change complètement dès le début du xviie siècle. La doctrine mécaniste dévalorise la Nature. L'étude du contenu du sous-sol est au plus bas jusque vers 1660 (et en France jusqu'en 1710). Durant la première moitié du siècle, un seul auteur majeur est à signaler : il s'agit de Descartes, avec ses Principia philosophiae (1644). Il échafaude une cosmogonie d'une grande audace, dont le livre IV final est consacré à la genèse du globe terrestre : il voit les éléments s'assembler en sphères concentriques. Vers la fin, une croûte externe s'est formée, en situation instable puisque séparée des sphères internes par une zone d'eau et d'air ; elle s'effondre ; ses fragments, à l'étroit, reposent parfois à plat sur la croûte interne (mers et plaines), parfois en s'arc-boutant mutuellement (montagnes). Ainsi, la configuration actuelle de la Terre est née des hasards d'une catastrophe inscrite dans la logique du développement cosmogonique antérieur. La Terre, ancien astre éteint, enferme en son cœur central une matière de feu, sans action sur les zones plus externes.
Il n'en est pas de même dans le Mundus subterraneus, le monde souterrain tel que le voit le père jésuite Athanasius Kircher (1602-1680). Paru en 1665, cet énorme ouvrage à caractère d'encyclopédie postule un feu central relié par des canaux à des poches ignées plus superficielles, et de là aux volcans. De même, des réservoirs d'eau profonde sont reliés à la surface par des canaux, qui relient entre elles certaines mers et alimentent en eau marine dessalée les sources des montagnes (une très vieille et tenace théorie). Pierre Perrault (1611-1680) démontre en 1674 que les pluies suffisent à les expliquer (la controverse datait des Gréco-Romains).
Le Danois Niels Stensen (Nicolas Sténon, 1638-1686), anatomiste réputé, publie en 1669 le Prodromus d'une dissertation « Sur un solide contenu naturellement dans un solide ». Ce court ouvrage pose de façon géniale les bases définitives de la géologie moderne, fondée sur une rigoureuse axiomatique. Il introduit les termes et les concepts clés de « strates » dues à l'accumulation de « sédiments ». Posant en principe que tout solide est issu d'un fluide, il en déduit que les strates du sous-sol : se sont déposées en superposition l'une sur l'autre successivement ; lors de leur dépôt étaient subhorizontales ; étaient continues en extension latérale. Et donc, leur tranche mise à nu implique une rupture ou une ablation ; leur situation inclinée implique un dérangement, lequel est la cause des montagnes. Sténon écrit de plus des pages remarquables sur la croissance des cristaux. Il applique enfin, à l'échelle régionale, la règle par lui posée, à savoir que c'est dans l'objet, le corps lui-même, que l'on trouve les circonstances de sa genèse ; il reconstitue ainsi l'histoire passée d'une partie de la Toscane, en retrouvant l'acuité de Léonard de Vinci. Il y distingue, d'une part, les montagnes anciennes, faites de strates rocheuses sans fossiles, d'autre part, les « collines » récentes, terreuses, encaissées dans des vallées d'effondrement (pour nous, des grabens néogènes dans les nappes toscanes). L'analyse seule du terrain dévoile son histoire passée.
En 1660 en Angleterre, la fondation de la Royal Society, qui entend mettre en œuvre les préceptes de Francis Bacon, inaugure un très actif mouvement scientifique, notamment en géologie. Robert Hooke (1635-1702), savant polyvalent, émet en 1668 et ultérieurement, lui aussi, de remarquables idées sur la Terre. Les terres et les mers changent de place ; les fossiles sont comme des médailles qui pourraient dater le passé ; les êtres vivants ont[...]
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Écrit par
- François ELLENBERGER : professeur émérite à l'université de Paris-Sud
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