GÉOLOGIE Histoire
La révolution créatrice du début du XIXe siècle et ses développements
En moins de vingt ans (1810-1830), la géologie moderne naît, avec son programme et ses institutions. Elle a été préparée par trois prises de conscience qui bouleversent les rapports entre l'homme et le cosmos terrestre. Il s'agit d'abord de l'immensité des temps géologiques ; à partir de 1770, un nombre vite croissant d'auteurs de tous bords font leur cette idée ; pour les chrétiens fervents, au moins pour les temps d'avant le Déluge : ainsi Jean André De Luc l'aîné (1727-1817). Le pape Pie VII, sous Napoléon, lève l'obligation de prendre à la lettre les « jours » de la Genèse. La succession des faunes dans le temps, instrument de chronologie, est pressentie (après Giraud Soulavie) par ce même De Luc dès 1790-1793 ; mais le fait d'une suite de mutations de la biosphère est surtout imposée par les travaux de Georges Cuvier (1769-1832), qui interprète la suite des « mondes » disparus en termes de cataclysmes exterminateurs. Lamarck (1744-1829), surtout en 1809, défend (dans l'abstrait) la thèse opposée d'une transformation graduelle du monde vivant et fonde ainsi la doctrine de l'évolution. Sur le plan géologique, le principe de la datation des couches avant tout par leurs fossiles caractéristiques est définitivement posé en France par Alexandre Brongniart (1770-1847) et, surtout, en Angleterre, admirablement, par William Smith (1769-1839), qui identifie et cartographie avec précision et art les principales « strates » (formations) d'Angleterre (1799-1816). Enfin, l'inexistence d'une formation « primitive » originelle est peut-être l'innovation majeure apportée par James Hutton (1726-1797) dans sa célèbre Theory of the Earth (1788, 1795), synthèse archaïque de ton, audacieusement novatrice sur le fond. La Terre, au cours de l'immensité insondable du temps, passe par des cycles répétitifs de nivellement du relief terrestre par l'érosion lente, dont les produits vont se sédimenter dans les mers, y fondre en partie et recristalliser sous l'effet de la chaleur, les couches ainsi transformées surgissant pour donner de nouvelles terres montagneuses. Le prétendu « Primitif » (granite compris) est de tout âge. C'est le fondement de la doctrine plutoniste, qui, non sans quelques conflits initiaux, supplante le neptunisme wernérien.
Tous le xixe siècle vivra sur les idées prophétiques de Hutton, mises en œuvre jusque dans le plus lointain passé (cycles orogéniques du Précambrien).
La population des curieux et des professionnels penchés sur la Terre augmentait rapidement depuis 1775 ; entre 1810 et 1830, un prodigieux bond en avant se produit, exemple remarquable d'une révolution créatrice ; une communauté géologique internationale se crée ; les échanges et rencontres se multiplient. En 1807 est fondée la Geological Society de Londres. En 1830, ce sera le tour de la Société géologique de France ; dès lors, la géologie est une science adulte. Répugnant aux théories hâtives, elle se veut « positive », pressée de décrire méthodiquement la constitution géologique de territoires petits ou grands ; on citera en France comme exemple le mémoire mémorable de Cuvier et d'Alexandre Brongniart (1770-1847) sur la « géographie minéralogique » des environs de Paris, où les formations sont recensées sous les points de vues conjoints de leur ordre de superposition, de leur lithologie et de leurs fossiles (1808, 1811). C'est désormais une histoire de la surface terrestre, reconstituée pas à pas, qui est l'objectif essentiel.
On ne peut en quelques lignes résumer l'histoire, ou plutôt l'historique, des immenses développements continus qui vont suivre. Bornons-nous à quelques jalons. On propose enfin une explication rationnelle de la formation[...]
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Écrit par
- François ELLENBERGER : professeur émérite à l'université de Paris-Sud
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