GÉOMÉTRIE
La géométrie est communément définie comme la science des figures de l'espace. Cette définition un peu incertaine risque de conduire à inclure dans la géométrie des questions qui ne sont géométriques que dans leur langage, mais relèvent en fait d'autres domaines. Tel est le cas de l'algèbre géométrique des Grecs qui parlait du « rectangle » de deux segments pour qualifier le produit de deux nombres. Jusqu'au début des Temps modernes, presque toute la mathématique s'exprimait géométriquement : ainsi la Géométrie de Descartes traite non seulement de géométrie, mais aussi des équations algébriques. Et, au xixe siècle, les mathématiciens étaient encore bien souvent qualifiés de géomètres, même quand ils étaient de purs analystes ou algébristes.
Plus délicat, en revanche, est le cas des domaines mixtes où des questions au départ incontestablement géométriques apparaissent très vite ne constituer qu'un chapitre de l'algèbre ou de l'analyse, et ne pouvoir être correctement traitées que par les moyens de ces disciplines. Ainsi se présentent le calcul des surfaces, le calcul des volumes, la détermination des tangentes à une courbe, et, plus généralement, l'ensemble de la géométrie infinitésimale. Historiquement, ces questions relevèrent de la géométrie pure, mais leur caractère abstrait devait bientôt se dégager et être retenu comme premier. Pourtant, ces deux modes d'approche sont trop intimement liés pour que l'on puisse songer à les séparer ; en outre, par son caractère infinitésimal, ce domaine se distingue assez nettement des autres branches de la géométrie qui sont à peu près exclusivement de caractère « fini ». Aussi n'en sera-t-il pas question, sans que soit oubliée pour autant l'existence d'une géométrie infinitésimale « directe » où ont excellé, au xviie siècle, Pierre de Fermat et Pascal, au xviiie siècle, Jean-Baptiste Meusnier de La Place, au xixe siècle, Charles Dupin, et qui, même au xxe siècle, notamment avec les travaux de Georges Bouligand, demeure un champ de recherches certes assez limité, mais digne d'attention.
Pour des raisons similaires on ne retiendra ni la géométrie algébrique ni la trigonométrie, bien que le point de vue infinitésimal n'y soit pas aussi dominant.
Ainsi délimitée, la géométrie a un objectif fondamental assez homogène qui est l'étude des figures au sens le plus large, bien qu'elle soit fort diverse dans ses méthodes et dans ses points de vue.
Depuis Descartes, la géométrie s'est développée dans deux directions nettement distinctes : la géométrie analytique et la géométrie dite « pure » ou encore « synthétique ». La conception de l'une et de l'autre, ainsi que celle de leurs rapports, a connu des vicissitudes qui constituent l'un des aspects les plus intéressants de l'histoire moderne de la géométrie. On a pu notamment assister aux efforts de la géométrie pure pour sauvegarder une autonomie que menaçait sans cesse davantage le développement de l'algèbre et de l'analyse. Un de ses derniers bastions, la chaire de géométrie pure de l'École polytechnique de Paris, a été supprimé en 1956. Aujourd'hui, bien qu'elle soit encore valable à plus d'un titre, principalement en raison du rôle qu'y jouent l'imagination et l'intuition, la géométrie pure n'occupe plus qu'une place seconde dans la mathématique.
De caractère plus intrinsèque apparaît le pluralisme de la géométrie qui s'est manifesté, surtout depuis le début du xixe siècle, avec la constitution de la géométrie projective en discipline autonome et avec la naissance des géométries non euclidiennes. Diversité qui fut pleinement comprise et dominée par le mathématicien allemand Félix Klein, dans son célèbre programme d'Erlangen.[...]
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Écrit par
- François RUSSO : ancien élève de l'École polytechnique, docteur en droit, conseiller à l'U.N.E.S.C.O.
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