GÉOMÉTRIE
Transformations géométriques
En introduisant la projection centrale, ou perspective, en géométrie, Desargues puis Pascal avaient ouvert la voie à l'étude des transformations géométriques. Ce n'est qu'à la fin du xviiie siècle que les transformations géométriques commencèrent vraiment à retenir l'attention des mathématiciens. À côté de la projection centrale, l'homologie est systématiquement utilisée comme transformation par Poncelet ; puis Chasles définit l'homographie, transformation projective la plus générale. D'autre part, des transformations plus particulières sont largement étudiées : l'affinité, à laquelle s'était déjà intéressé Euler, les rotations, les symétries, les translations, les homothéties.
Chez les géomètres purs, les transformations apparaissent surtout comme un instrument de démonstration, tout spécialement chez Chasles. Mais les mathématiciens qui, comme Arthur Cayley (1821-1895) notamment, s'intéressent surtout à l'analyse et à l'algèbre, s'attachent à leurs aspects d'invariance. Ainsi s'amorce entre l'algèbre et la géométrie une symbiose féconde.
Ces divers types de recherches tendent à donner aux transformations une place non plus marginale, mais centrale en géométrie, au point que l'on voit au milieu du xixe siècle se dégager l'idée que les propriétés géométriques se classent et se caractérisent par les transformations qui les laissent invariantes. À chaque type de transformation correspond une géométrie. Ainsi, en 1868, Hermann von Helmoltz développe l'idée que l'on peut caractériser les propriétés de l'espace euclidien par les propriétés des déplacements, envisagés comme transformations ponctuelles. D'autre part, la notion de transformation allait permettre de préciser les relations entre propriétés projectives et propriétés métriques (que ni Poncelet, ni Chasles, ni même von Staudt n'avaient vraiment élucidées) et, en outre, entre géométrie euclidienne et géométrie non euclidienne. Le premier pas dans cette voie est fait par Cayley, en 1859 : ayant particularisé la transformation homographique en lui imposant la conservation d'une conique dans le plan ou d'une quadrique dans l'espace, il peut définir la distance de deux points A et B comme le logarithme du rapport anharmonique de ces deux points et des points de rencontre de la droite qui les porte avec la conique ou la quadrique. Cette approche allait se révéler très féconde. Edmond Laguerre (1834-1886) s'était déjà engagé dans cette voie en 1853 lorsqu'il avait lié la mesure d'un angle au rapport anharmonique de ses côtés et des deux droites isotropes passant par le point de rencontre de ces côtés.
Cayley montre alors que l'on peut déterminer une conique ou une quadrique telle que la distance projective correspondant à la transformation projective qui la conserve est identique à la distance de la géométrie euclidienne. La géométrie euclidienne apparaît comme un type particulier de géométrie projective. Enthousiasmé par ce résultat, Cayley déclare à la fin de son mémoire : « La géométrie projective est toute la géométrie. »
Dans des travaux entrepris à partir de 1868, Klein reprend ces vues pour les préciser et leur donner de plus larges applications. Il définit de façon plus rigoureuse la notion de distance cayleyenne ; puis, portant son attention aux deux géométries non euclidiennes, dont ne s'était pas occupé Cayley, il montre qu'elles viennent aussi prendre place dans le cadre de la géométrie projective, en associant à chacune des deux géométries non euclidiennes une transformation conservant une conique dans l'espace à deux dimensions, et une quadrique dans l'espace à trois dimensions, définies de façon appropriée. Ainsi les trois géométries d'Euclide, de Bolyai-Lobatchevski[...]
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Écrit par
- François RUSSO : ancien élève de l'École polytechnique, docteur en droit, conseiller à l'U.N.E.S.C.O.
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