GÉOMORPHOLOGIE
La question des échelles spatiales et temporelles
La démarche géomorphologique ne se réduit pas à une nomenclature, ni à la définition de formes en relation avec des contraintes géologiques ou des processus morphoclimatiques. Elle intègre aussi la compréhension des logiques de la répartition des reliefs dans l'espace et dans le temps. Cela concerne leur extension spatiale mais aussi leur durée. C'est d'ailleurs une des questions majeures de la géomorphologie, une question qui fonde en partie les distinctions qui peuvent s'établir entre les théories et les méthodes au sein de la géomorphologie. Une forme de relief s'appréhende dans une hiérarchie géographique autant que dans un contexte spatial : avec sa dénivellation de plusieurs centaines de mètres, le versant montagneux qui domine le lac Léman, sur sa rive sud, au-dessus de Thonon et d'Évian, appartient au massif du Chablais, lui-même localisé dans la chaîne alpine. Il est constitué de roches sédimentaires plissées et faillées ; la compréhension de sa composition relève donc de la géomorphologie structurale. L’étude de la dissection de ce versant par les torrents ainsi que des dépôts accumulés par le glacier du Rhône lors de son passage il y a plus de 20 000 ans relève quant à elle de la géomorphologie dynamique et climatique. Cependant, ces formes ont été mises en place il y a plusieurs millions d'années pour ce qui concerne les formes structurales et plusieurs dizaines de milliers d'années pour les principales formes de dissection et d'accumulation. Elles sont toutes héritées, même si les formes torrentielles sont toujours actives. À l'inverse, sur ce grand versant, certaines formes actuelles de glissement ou des chutes de blocs affectant les crêtes rocheuses exercent une action morphogénique qui concerne des temps courts. Il arrive même que des avalanches constituent des formes éphémères, comme le font les rivières avec des bancs de galets ou la mer sur les plages.
En géomorphologie, les débats portent surtout sur la hiérarchisation des familles de relief en relation avec les types de facteurs spatiaux et temporels. L'échelle spatiale appréhendée par l'analyse géomorphologique peut aller des mégaformes aux microformes. Nombre d’auteurs se sont appliqués à construire des grandeurs d'ordre en cherchant à hiérarchiser les éléments en fonction des types de processus responsables de la morphogenèse mais aussi du temps (cf. tableaux), les temps géologiques les plus longs, responsables des mégaformes, permettant de définir des formes majeures du relief. Pour certains, il existe même une relation linéaire entre l'étendue spatiale d'une forme et le temps de sa mise en place. Les mégaformes, qui s'étendent sur plusieurs centaines de milliers voire des millions de kilomètres carrés, nécessitent des millions d'années pour être mises en place et occupent une place majeure dans la hiérarchie des formes structurales (Peulvast et Vanney, 2001 et 2002). En revanche, les formes de dissection sont d'extension plus modeste et peuvent avoir été élaborées en des temps plus courts. Pour d'autres auteurs, la part des processus d'érosion peut aussi être prise en compte dans l'élaboration de grandes étendues. C'est le cas surtout dans les milieux continentaux terrestres, soumis depuis plusieurs centaines de millions d'années aux effets d'une érosion intense propre à détruire des formes structurales telles que les chaînes de montagnes. Au cœur des débats scientifiques et des recherches en géomorphologie, il y a donc aussi la question des rythmes d'évolution. Les méthodes de datation utilisées en géomorphologie sont empruntées à d'autres sciences. Absolues ou relatives, par la méthode de la dégradation isotopique ou par la mesure des traces des impacts du rayonnement,[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Pierre PECH : professeur agrégé de géographie, professeur des Universités, enseignant-chercheur à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
Classification
Médias
Autres références
-
ACCUMULATIONS (géologie) - Accumulations continentales
- Écrit par Roger COQUE
- 5 056 mots
- 12 médias
Le vent et les eaux de ruissellements ou d'écoulements divers, y compris solides (glaces), sont susceptibles de développer des actions d'ablation, de transport et de dépôt, en chaque point de leurs trajectoires, selon le bilan qui s'établit entre l'énergie dont ils disposent et leur charge. Ce type...
-
ACCUMULATIONS (géologie) - Accumulations marines
- Écrit par Jean-Pierre PINOT
- 7 916 mots
- 26 médias
Les accumulations marines résultent soit de la sédimentation, soit de la construction biologique (cf. récifs).
La sédimentation est l'abandon de matériaux meubles en cours de transport. L'agent de transport, s'il s’exerce de manière temporaire, donne lieu à des accumulations...
-
ALPES
- Écrit par Jean AUBOUIN , Bernard DEBARBIEUX , Paul OZENDA et Thomas SCHEURER
- 13 214 mots
- 11 médias
Les Alpes sont marquées par les effets des importantes fluctuations glaciaires qui sont intervenues depuis 2 millions d’années, jusqu’à la fin de la dernière ère glaciaire (Würm), il y a environ 10 000 ans. De grandes parties des Alpes se trouvaient alors périodiquement sous une épaisse couche de glace,... -
AMÉRIQUE (Structure et milieu) - Géologie
- Écrit par Jean AUBOUIN , René BLANCHET , Jacques BOURGOIS , Jean-Louis MANSY , Bernard MERCIER DE LÉPINAY , Jean-François STEPHAN , Marc TARDY et Jean-Claude VICENTE
- 24 158 mots
- 23 médias
Malgré sa complexité, le continent nord-américain présente un nombre réduit de grands éléments morpho-structuraux : le bouclier canadien, la plate-forme nord-américaine, les chaînes de montagnes ourlant les bordures continentales. - Afficher les 38 références