GÉOMORPHOLOGIE
Historique et épistémologie de la géomorphologie
En dehors des récits mythologiques, comme le Déluge, dès l'Antiquité, avec Ératosthène, ou à la Renaissance, avec Léonard de Vinci, la genèse des formes du relief terrestre a fait l'objet d'hypothèses, à partir de l’observation des fossiles ou de l’étude des éruptions volcaniques, des tremblements de terre ou des catastrophes climatiques. La géomorphologie apparaît en tant que discipline scientifique au cours du xixe siècle. Héritant des relations de voyages entrepris par des naturalistes dès la fin du xviiie siècle, elle procède de la géologie et de la biologie, mais aussi et surtout de la géographie. En effet, d'abord dans le cadre de l'école allemande, pionnière entre toutes et pour laquelle le darwinisme sert de fondement, avec notamment Humboldt et Ritter, la géographie s'attache à expliquer la répartition des milieux naturels à la surface de la Terre. À travers l'écologie et la géographie des paysages, la démarche vise à aborder les milieux naturels terrestres de manière globale, en définissant des lieux qui se distinguent par les composantes climatiques, géomorphologiques, hydrologiques et biogéographiques. Ainsi sont jetées les bases fondamentales de la géomorphologie, en tant que science des formes de relief. Si la géographie française s’est d’abord nourrie de cette géographie allemande, elle s'en démarque dès la fin du xixe siècle. Intégrant la dichotomie entre géographie physique et géographie humaine, l'école française affirme la primauté de la structure géologique sur les autres composantes du milieu naturel comme facteur de différenciation prioritaire des milieux naturels ; elle fait de l'érosion fluviale, appelée érosion normale, le processus majeur de l'évolution des reliefs que décrit la géologie structurale (De Martonne, 1925). De surcroît, l'école géographique française s'appuie sur la théorie unificatrice du géographe américain W. M. Davis. Cette théorie repose sur un modèle évolutif commun à toutes les unités de relief qui passent par trois phases où alternent l’action de la tectonique et celle de l'érosion fluviale :
– une phase de jeunesse correspondant à l'élaboration des formes majeures, en particulier les montagnes, sous l'action des forces tectoniques ;
– une phase de maturité pendant laquelle l'érosion, principalement fluviale, détruit continuellement ces formes, jusqu'à l’abaissement des lignes de crête. Les débris de ces reliefs sont charriés par les cours d'eau qui définissent un profil d'équilibre associant des secteurs où le démantèlement entaille la partie amont des bassins versants et des secteurs plus matures, situés en aval, où les cours d'eau accumulent des alluvions ;
– une phase de calme érosif lié à l'élaboration d'une surface d'aplanissement, discordante avec les unités morphostructurales entaillées, et de comblement des creux topographiques par les sédiments.
Un autre cycle peut alors commencer si une nouvelle phase tectonique permet de porter des reliefs. Ce modèle repose sur la succession de phases pendant lesquelles agissent préférentiellement des contraintes structurales entrecoupées de période de calme tectonique, des continuums, laissant la part belle aux processus d'érosion dans lesquels domine l'érosion fluviale pour aboutir à des formes d'aplanissement.
Ainsi, les progrès réalisés par la tectonique des plaques et ceux accomplis en paléontologie, surtout au cours de la seconde moitié du xxe siècle, démontrent que l'évolution géologique est plutôt constituée de discontinuités, de crises, de déformations plus fréquentes et aléatoires, aboutissant à une succession de phases à équilibre ponctué. En outre, le modèle davisien a nécessité des réaménagements[...]
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Écrit par
- Pierre PECH : professeur agrégé de géographie, professeur des Universités, enseignant-chercheur à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
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