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GÉOPOLITIQUE

La géopolitique au temps de la mondialisation

La mondialisation ou la globalisation apparaît comme le trait dominant du monde de l'après-guerre froide. La terre n'étant plus partagée entre blocs antagonistes, les hommes ou, au moins, la majorité d'entre eux se ralliant à l'économie de marché et à la démocratie pluraliste, la priorité serait désormais, pour les États, de s'adapter à la compétition économique ; celle-ci paraît d'autant plus féroce qu'une nouvelle ère industrielle (suscitée par l'électronique, l'informatique et la révolution des télécommunications) s'épanouit et que de nouveaux protagonistes – et rivaux – (dragons ou tigres asiatiques, anciens États communistes...) entrent dans le jeu.

Fin, retour ou tout simplement permanence de la géographie ?

Ce serait la fin de la géographie. La rapidité croissante des communications et des transports, l'effondrement de leurs coûts aboliraient l'espace et le temps. Aujourd'hui, nombre de produits sont fabriqués, assemblés et enfin consommés en plusieurs points de la planète fort éloignés. Combien de multinationales sont des entreprises-réseaux, faisant appel à des milliers de sous-traitants éparpillés à travers le monde, avec lesquels elles nouent des liens contractuels précaires afin de les maintenir dans une fiévreuse concurrence ! De même, la vitesse à laquelle se déplacent des masses de capitaux de plus en plus grandes crée un espace financier mondial, où les États ne contrôlent plus le jeu monétaire mondial et sont des emprunteurs parmi d'autres, qui doivent à chaque instant prouver aux opérateurs leur sérieux.

Pourtant la mondialisation n'abolit pas la géographie. Tout acteur – individu, entreprise, État – demeure inscrit dans l'espace et dans le temps. L'une des illustrations de la permanence de la contrainte géographique est fournie par l'inégalité des taux de croissance. Ainsi, pour Jeffrey Sachs, professeur à Harvard, entre 1965 et 1990, « les pays enclavés ont eu une croissance économique plus faible que les pays côtiers [...]. Et les pays tropicaux ont eu une croissance annuelle inférieure de 1,3 p. 100 à celle des pays tempérés [...]. Avec le temps, les technologies de l'information donneront aux pays tropicaux et enclavés de nouvelles occasions de participer à l'économie globale. Néanmoins le bilan décevant des agricultures tropicales peut signifier que nous devons accepter comme normale une situation dans laquelle l'Afrique et les autres régions tropicales seront nourries par les exportations des zones tempérées ».

Quant aux États – objets privilégiés de la géopolitique classique –, ce sont des entités enracinées dans un territoire, aux frontières définies. Tout État sait que sa première préoccupation extérieure concerne ses relations avec ses voisins. Ainsi aujourd'hui, pour la France, comment préserver et faire vivre la réconciliation avec l'Allemagne ? Pour l'Allemagne, pays du milieu, comment demeurer ancrée à l'Ouest tout en veillant à ce que l'Europe orientale ne s'enlise pas dans la pauvreté et la rancœur ? Pour la Russie, l'empire des tsars puis l'empire soviétique disparus, quelles relations établir avec une périphérie décolonisée ? Pour les États-Unis, comment organiser le continent américain ? Tous ces exemples confirment l'imbrication de la géographie et de l'histoire : les données géographiques ne sont jamais pures, jamais neutres ; leur signification, qui se modifie tout en étant marquée de continuité, est modelée par les tragédies du passé ; enfin ces significations résultent des points de vue, des perspectives des protagonistes, ils sont donc multiples et le plus souvent antagoniques (ainsi les innombrables terres revendiquées par plusieurs peuples, du Kosovo à la Palestine, de la Crimée aux [...]

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Écrit par

  • : conseiller des Affaires étrangères, professeur à l'Institut d'études politiques de Paris, chargé de mission à l'Institut français des relations internationales

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