PABST GEORG WILHELM (1885-1967)
Déception
La dernière scène de La Tragédie de la mine démentait l'optimisme du traitement : au fond de la mine, en présence de gendarmes allemands et français, on rescelle la grille frontière souterraine. Les autorités concluent : « Tout est en ordre ! Cela tient de nouveau ! » L'espoir de Pabst en la fraternité a peu duré.
L'Allemagne se prépare à porter Hitler au pouvoir. « La révolte est rentrée dans l'ombre, la nuit l'y cachera longtemps » (complainte de L'Opéra de quat' sous). En portant à l'écran L'Atlantide (1932), d'après Pierre Benoit, Pabst jette un dernier cri, mais il l'étouffe lui-même. Son héroïne n'est pas la descendante des Atlantes, mais un produit de bordel, le symbole de la puissance asservissante issue de la fange. Le film paraît somptueux et froid, le faste cache trop d'amertume. Déjà Pabst a perdu sa force, ou sa foi, ou les deux ensemble.
Pabst gagne la France avant la prise du pouvoir par Hitler. Il y tourne Don Quichotte (1933), sujet imposé. C'est un peu la velléité de Pabst lui-même qui est en cause ; lui aussi s'est battu, mais avec une foi vite ébranlée, contre des moulins à vent... Mis à part un voyage aux États-Unis (A Modern Hero, 1934), Pabst séjourne en France, où il tourne vaille que vaille cinq films très mineurs où survivent des souvenirs expressionnistes au service de sujets disparates. Il réalise du sous-Feyder et du Carné de pacotille.
En 1939, il rentre dans la Vienne nazifiée et semble adhérer à l'idéologie hitlérienne. Pourtant Reine du théâtre (Komödianten, 1941) ou Paracelsus (1943), films hésitants et ambigus, n'en apportent aucune preuve. Pabst avait fui Hitler, puis l'avait servi. Après la défaite de son pays, il fait amende honorable. Réalisé en Autriche, Le Procès (Der Prozess, 1947 ; sans rapport avec l'œuvre de Kafka) s'insurge contre l'antisémitisme nazi par le biais d'un procès hongrois de 1882. Son désarroi est-il total ou hurle-t-il avec les loups ? Son film ne manque pas d'éclat formel, mais ce talent est méconnu parce que dépensé hors de propos. Le film de Paul May Duel avec la mort (Duell mit dem Tod, 1949), que Pabst supervise, mérite un commentaire similaire : sous les nazis, la résistance vivait ! Mais le film avait « visé haut et tiré bas » (G. Charensol), ce fut un échec. D'autres films autrichiens puis italiens n'ont rien ajouté à sa gloire. Pabst lance ses derniers feux dans une reconstitution historique, La Fin d'Hitler (Der letzte Akt, 1955). Il retrouve son goût pour les situations sans issue et les cas pathologiques. À l'appui du scénario de E. M. Remarque, il crée des images fuligineuses qui peignent la fin d'un monde. C'est aussi son dernier acte. Il meurt à Vienne à l'âge de quatre-vingt-deux ans.
L'histoire du cinéma retient qu'il fut un expressionniste nuancé, chantre de l'émancipation sexuelle et sociale, aspirant à une utopique fraternité entre les hommes, projetée dans une œuvre d'abord convaincue, puis peu à peu hésitante jusqu'à l'effacement. Un artiste parfois visionnaire dans la peau d'un homme moyen.
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Écrit par
- Victor BACHY : professeur à l'université de Louvain
Classification
Médias
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