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ANTHEIL GEORGE (1900-1959)

Arnold Schönberg écrivit le 21 novembre 1920 : « Si nous vivions à une époque normale – aussi normale que la période antérieure à 1914 –, la musique de notre temps se trouverait dans une situation différente. » Le début du xxe siècle est en effet marqué par de nombreuses ruptures, au premier rang desquelles la suppression de la tonalité (Schönberg) et une nouvelle conception du temps musical introduite par une révolution rythmique (Igor Stravinski). L'ère nouvelle éprouve le besoin de s'exprimer dans une musique nouvelle. De nombreux compositeurs réclament une musique appropriée aux bruits et aux rythmes des machines, des sons stridents et dynamiques qui s'accorderaient avec la vie moderne. En 1913, Debussy déclarait : « Notre devoir n'est-il pas de trouver la formule symphonique qu'exige notre époque, celle qu'appellent les progrès, les audaces et les victoires modernes ? Le siècle des aéroplanes a droit à sa musique. » L'art du bruit va être pratiqué par des compositeurs comme l'Italien Luigi Russolo (1885-1947), associé au mouvement artistique italien du futurisme, l'Américain d'origine française Edgar Varèse (1883-1965) ou l'Américain George Antheil (1900-1959), le « mauvais garçon de la musique », comme il se définit lui-même dans son autobiographie (Bad Boy of Music, 1945), où il raconte qu'il est « né à Trenton, New Jersey, en face d'une boutique bruyante qui vendait des machines ; ce qui, probablement [...], apportera de l'eau au moulin de ceux qui soutiennent qu'il existe quelque chose comme l'imprégnation prénatale ».

Georg Johann Carl Antheil naît le 8 juillet 1900. Très jeune, il se passionne pour la musique. Il étudie la théorie musicale avec Constantin von Sternberg et la composition avec Ernest Bloch. En 1922, il part pour l'Europe. À Paris, où il se fixe, il va fréquenter l'intelligentsia littéraire et artistique : Jean Cocteau, T. S. Eliot, James Joyce, Erik Satie, Gertrude Stein, Ezra Pound, William Butler Yeats, Picasso...

Après Luigi Russolo, qui avait fait l'objet d'une attention sérieuse de la part de Stravinski et d'Arthur Honegger, notamment, et un peu avant Edgar Varèse, cet Américain expatrié qui pense que « la musique est l'art le plus à même d'explorer la beauté des machines » fait sensation en 1926 à Paris. On y donne sa suite pour orchestre tirée d'une œuvre plus longue qui devait illustrer un film de Dudley Murphy, Man Ray et Fernand Léger, Ballet mécanique, composée pour un ensemble curieux de huit xylophones, huit pianos, un pianola, deux sonnettes électriques. Antheil effraie véritablement le public en y ajoutant le vacarme d'une hélice d'avion. L'œuvre est mal reçue lors de sa création, le 19 juin 1926, au théâtre des Champs-Élysées, comme de sa reprise, le 10 avril 1927, au Carnegie Hall de New York. À l'instar de Russolo et des compositeurs futuristes en général, George Antheil voulait avec cette pièce élargir l'univers sonore et opérer une véritable transformation de la notion même de forme musicale « en pensant plus à l'élément de durée qu'à l'élément sonore ». La pièce obtiendra cependant un réel succès le 21 février 1954 à l'université Columbia de New York, lors de la présentation d'une nouvelle version.

En 1933, George Antheil regagne les États-Unis. Après avoir été le messager de la musique du futur, il cesse d'être à l'avant-garde et redécouvre les maîtres du passé. En 1934, son opéra Helen Retires, sur un livret de John Erskine, est créé à New York. En 1936, il s'établit à Hollywood, où il va se livrer à une grande quantité de travaux « alimentaires », écrivant notamment des musiques de films : The Plainsman (Une aventure de Buffalo Bill), de[...]

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Écrit par

  • : musicologue, analyste, cheffe de chœur diplômée du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, chargée de cours à Columbia University, New York (États-Unis)

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