CRUMB GEORGE (1929-2022)
Compositeur américain né à Charleston (Virginie-Occidentale) le 24 octobre 1929, George Henry Crumb fait ses études au Mason College of Music de sa ville natale (1947-1950), à l'université de l'Illinois de Champaign-Urbana (1950-1952) puis à l'université du Michigan d'Ann Arbor, avec Ross Lee Finney (1954-1959). Entretemps, il a été l'élève de Boris Blacher à la Hochschule für Musik de Berlin (1955 et 1956). Enseignant lui-même de 1959 à 1997 (à l'université du Colorado à Boulder puis à celle de Pennsylvanie à Philadelphie), il maîtrise un langage des plus originaux au sein de la musique américaine et de la musique européenne.
Sa première œuvre aboutie est Five Pieces for Piano (1962). Reconnu dans son pays grâce à Echoes of Time and the River (Echoes II), pour orchestre (1967), qui lui vaut le prix Pulitzer en 1968, Crumb signe une musique austère dont la concision le rapproche tout autant de Debussy que de Webern. La sensibilité du compositeur, influencé par l'Orient, ses rituels et sa mystique – auxquels il doit une part de ses sonorités et de sa perception sonore –, le porte aussi vers la poésie enflammée de Federico García Lorca (quatre livres de Madrigals, pour soprano, percussions, flûte, harpe et contrebasse, 1965, 1965, 1969, 1969 ; Ancient Voices of Children, pour mezzo, voix d'enfants, hautbois, mandoline, harpe, piano et percussions, 1970 ; Songs, Drones and Refrains of Death, pour baryton et ensemble, 1968 ; Night of the Four Moons, pour voix d’alto et ensemble, 1969 ; Federico's Little Songs for Children, pour soprano, flûte(s) et harpe, 1986 ; The Ghosts of Alhambra, pour baryton, guitare et percussion, 2008 ; Sun and Shadow, pour soprano et piano amplifié, 2009). Redevable à Cage, même si ses sources sont d'origines différentes, Crumb puise son inspiration dans les musiques de l'Inde et de l'Extrême-Orient, allant jusqu'à utiliser des instruments ethniques (à l'instar d'Henry Cowell) dans ses compositions. Mais l'emploi du sitar, des tablās ou même du banjo ne serait qu'artifice s'il n'avait tenté de développer, à partir de ces « modèles », des techniques nouvelles adaptées spécifiquement à l'écriture occidentale, dont il est le turbulent héritier. Preuve en sont les quatre volumes de son Makrokosmos, pour piano (1972, 1973, 1974, 1979), où l'évocation symbolique tant graphique (notation en représentation circulaire ou en forme de croix) qu'explicative (dans ses intentions sonores) s'allie à la fois à un arrière-plan mystique et romantique (surcharge littéraire et référentielle) et à un premier niveau, technique, mettant en jeu un véritable kaléidoscope de langages (glissandi, oscillations chromatiques, passacaille pseudo-sérielle, figures répétitives, citations, gammes par tons, clusters, quintes « médiévalisantes », monodie grégorienne, polytonalité, polymodalité) et de procédés de production sonore (jeu en pizzicato, blocage de la corde au sillet, harmoniques, glissandi sur les cordes, usage intensif de la troisième pédale, chaînes posées sur les cordes, papiers glissés sous les étouffoirs, usage de verres, de plectres, de dés à coudre, de brosses métalliques).
Le tout s'apparentant, comme le souligne Vincent Lajoignie, à « une langue comme l'espéranto, dont l'unité provient directement d'une masse d'emprunts arbitraires redistribués de façon cohérente ». Car ce qui frappe le plus chez ce créateur, ce n'est point l'éclectisme, mais l'intégration de cette pluralité d'éléments (en apparence disparates) en un tout organisé au sein d'une pensée synthétique d'où, paradoxalement, mais très fortement, émerge un style aussi personnel qu'original, aussi sensible que conceptualisé, aussi rigoureux que poétique.
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Écrit par
- Alain FÉRON : compositeur, critique, musicologue, producteur de radio
Classification
Média