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DU MAURIER GEORGE (1834-1896)

Il est peu d'écrivains qui doivent le meilleur de leur renommée non à la variété de leur inspiration mais à une seule idée, si sublime qu'elle semble se soutenir d'elle-même, sans exiger quelque autre génie particulier. Roman d'assez médiocre facture, d'où fut tiré un film sans qualités exceptionnelles (si ce n'est l'excellence des acteurs), Peter Ibbetson offre l'exemple d'une œuvre unique, en ce qu'il illustre le pouvoir absolu de l'amour, capable de réunir ce qui a été originellement séparé.

Hildegarde Knef - crédits : AKG-images

Hildegarde Knef

Né en 1834 à Paris, d'une famille française émigrée en Angleterre sous la Révolution, George Du Maurier grandit dans une petite maison des Champs-Élysées, puis à Boulogne, avec des souvenirs qui hanteront sa mémoire et son œuvre. De retour à Londres, en 1860, il passe de la chimie à la peinture, avant de collaborer à Punch et au Harper's Magazine en donnant vers, proses et caricatures qui fustigent la classe dominante et la petite bourgeoisie. Il avait, dit-on, suggéré le sujet de Peter Ibbetson à Henry James, qui déclina l'offre mais l'incita à écrire le roman. Celui-ci, paru en 1892, remporta un grand succès. En 1894, il publie Trilby, évocation douce-amère de sa vie de bohème. The Martian paraîtra peu après sa mort, survenue en 1896. Ses nouvelles ont été éditées en 1947.

L'histoire de Peter Ibbetson est celle d'une quête incessante de l'amour, qui atteint à son accomplissement en dépit des obstacles ordinairement disposés pour l'entraver et le briser. Après plusieurs années de tendresse partagée, deux enfants, Mary et Peter, se trouvent brutalement séparés. Peter tombe sous le joug d'un tuteur odieux, Mary épouse un duc. Lorsque le hasard les met en présence l'un de l'autre, ils ne se reconnaissent pas de prime abord. Il faut que vienne du lointain de l'enfance un déferlement de souvenirs et d'affection pour qu'une indéfectible passion les saisisse, une passion impossible en raison des préjugés sociaux. Dans un accès de colère, Peter tue son tuteur. Condamné à la pendaison, il voit sa peine commuée en détention à perpétuité, événements qui ne l'affectent guère tant l'illumine l'amour qu'il nourrit pour Mary et que celle-ci, de son côté, éprouve pour lui avec la même intensité. Par un renversement des évidences quotidiennes, les jours perdent leur consistance et les nuits fondent, sous l'apparence du rêve, une réalité où les amants se retrouvent dans une unité d'espace et de temps qui est celle de leur désir. Même la mort n'arrive pas à détruire ce monde où la passion crée les conditions de son accomplissement, et que seul le doute peut ébranler.

Trilby souffre de la comparaison avec Peter Ibbetson. Le récit des amours désenchantées d'une modèle d'artiste devenue chanteuse et de trois peintres anglais, fixés à Paris, se perd le plus souvent dans une mièvrerie qu'encourageait la pudibonderie victorienne.

— Raoul VANEIGEM

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