GERSHWIN GEORGE (1898-1937)
Jacob Gershovitz est né le 26 septembre 1898 à Brooklyn, de parents juifs russes fraîchement émigrés de Saint-Pétersbourg. Il est élevé dans le ghetto new-yorkais du Lower East Side, dans le grouillement passionné de vies que l'on recommence. Champion de patin à roulettes, excellent joueur de base-ball, cancre et chahuteur en classe, son éducation se fait dans la rue. Dès l'âge de six ans, on l'aperçoit, bien loin de chez lui, du côté de la 125e Rue, écoutant avec passion les premiers airs du jazz et du ragtime. Il apprend les rudiments du piano sur un vieil instrument acheté pour son frère Ira, l'intellectuel de la famille. Il mêle Chopin, Liszt, Rubinstein, Debussy, Wagner et Scott Joplin, passe ses soirées aux concerts les plus variés. À l'âge de seize ans, il informe sa mère qu'il a trouvé un poste de « démonstrateur de chansons » chez un éditeur de Tin Pan Alley, quartier de Manhattan où surgit la pop musique. Il y restera un an, faisant la connaissance des futurs rois du « show-biz », comme son excellent ami Fred Astaire. Il idolâtre le compositeur Jerome Kern (Show Boat) et Irving Berlin (Alexander's Ragtime Band). Et, en 1919, la chance survient : Al Jolson, célèbre chanteur, s'empare de Swanee, qu'il vient d'écrire. Une année plus tard, Jacob Gershovitz devient George Gershwin... et millionnaire.
Musicalement, ses qualités d'improvisateur et de mélodiste de génie continuent à surpasser ses connaissances en harmonie et en contrepoint. Un promoteur musical, Paul Whiteman (qui se dit le Roi du jazz) lui commande une pièce concertante, et lui adjoint un orchestrateur, Ferde Grofé. La création de Rhapsody in Blue a lieu le 12 février 1924. Certains critiques iront jusqu'à affirmer qu'il est un compositeur plus important que Stravinski... De fait, il vient d'ouvrir la porte à un nouveau genre, le jazz concerto, dont le chef-d'œuvre, le Concerto en fa, sera créé à Carnegie Hall, le 3 décembre 1925. À vingt-sept ans, il est le plus célèbre des compositeurs américains.
Dès lors, ses travaux dominent la scène internationale. En 1925, les mélodies de la revue Tip-Toes remportent un triomphe ; il s'essaye aussi à composer timidement des œuvres de musique de chambre, ainsi les très remarquables Préludes pour piano. Son style s'affine, ses connaissances s'accroissent. Mais il reste le contraire d'un intellectuel, et préfère les démonstrations sportives aux joutes cérébrales, les succès féminins aux recherches culturelles.
Au cours d'un voyage en France, il rencontre Ravel à qui il demande de lui donner des cours de composition. « S'il est vrai que vous gagnez des centaines de milliers de dollars avec vos chansons, c'est plutôt à vous de me donner des leçons », lui répond le grand compositeur basque. Il est vrai que des mélodies comme Lady Be Good font des ravages dans le monde entier. Il dépense des fortunes en tableaux de Chagall, Modigliani, Picasso, Rouault, Utrillo, et se constitue une importante collection. Il peint lui-même pendant ses loisirs avec un certain bonheur ; son portrait d'Arnold Schönberg est resté célèbre. Ses succès restent des succès de Broadway où le talent, le flair, le sens commercial, la remise en question de soi et les traits de génie se succèdent. En 1927, le triomphe de Funny Face est inimaginable... Il poursuit son œuvre en composant Un Américain à Paris à partir de sketches notés pendant son voyage en Europe. En 1930, la revue Girl Crazy bat tous les records de recettes. La chansonI Got Rhythm est reprise par tous les grands du jazz. La même année, il pulvérise les recettes cinématographiques avec un film d'une rare stupidité, Delicious.
En 1932, son frère Ira reçoit le prix Pulitzer pour les paroles d'un nouveau chef-d'œuvre dont George a écrit la musique, Of Thee[...]
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Écrit par
- Éric LIPMANN : professeur à l'université de Paris-Dauphine
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Médias
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