GROSZ GEORGE (1893-1959)
Dessinateur et peintre, George Grosz a marqué de sa vision acerbe la représentation de l'Allemagne à la fin de la Première Guerre mondiale et durant la République de Weimar. La critique sociale passe chez lui par le recours à des procédés formels tels que la caricature ou le collage. Autant de moyens pour créer un nouveau « vérisme », capable de répondre à la violence de la société, là où les représentations conventionnelles font défaut.
Les années de crise
Né en 1893 à Berlin, sous l'identité de Georg Ehrenfried Gross, d'un père aubergiste qui meurt alors qu'il a six ans, il passe son enfance d'abord dans les quartiers pauvres de la capitale allemande, puis à Stolp, bourgade de Poméranie orientale, aujourd'hui polonaise, où sa mère gère un mess d'officiers. C'est sous la fascination du mythe de l'Amérique et en protestation contre le chauvinisme qu'en septembre 1916 il anglicise son prénom et modifie son nom. Une décision prise en commun avec son ami Helmut Herzfeld, transformé, lui, en John Heartfield (1891-1968). Il deviendra le maître du photomontage. Cette « américanophilie », Grosz a prétendu l'avoir acquise en lisant les romans de James Fenimore Cooper, les histoires d'Indiens de l'Allemand Karl May et les bandes dessinées qui célébraient les exploits de Nick Carter. En vérité, son univers a été nourri par toute l'imagerie populaire de l'époque.
Rétif à l'éducation à la prussienne, conduite à « coups de canne de jonc sur l'arrière-train », Grosz se rebelle tôt contre les conventions. Un jour de 1908, giflé par un de ses professeurs, il lui rend la pareille et se voit aussitôt renvoyé du collège de Stolp. L'adolescent persuade sa mère de l'autoriser à passer le concours d'entrée à l'école des Beaux-Arts de Dresde, où il est reçu.
De 1909 à 1911, il n'eût pas été surprenant qu'il fît connaissance, à Dresde, des peintres un peu plus âgés que lui qui tentaient de percer : Ernst Ludwig Kirchner et ses compagnons du groupe Die Brücke (Le Pont). Mais, studieux, bien qu'excédé par le conservatisme de l'enseignement académique, il se maintient à l'écart, non sans envoyer ses dessins aux journaux. En 1910, Ulk (La Blague), le supplément du quotidien Berliner Tageblatt, publie une scène de rue crayonnée dans le style du Jugendstil : deux bourgeois ventrus regardent, goguenards, s'éloigner sur la route deux amoureux, comme pour dire que leur bonheur ne durera pas longtemps.
Grosz prolonge ses études en s'inscrivant à l'école des arts décoratifs de Berlin en 1912. Lors d'un séjour de quelques mois à Paris en 1913, il se familiarise avec l'art moderne. Devenu lecteur de la revue expressionniste Der Sturm, il y découvre bientôt les mouvements d'avant-garde. Le futurisme italien est pour lui une révélation avec ses scènes simultanées, le rythme saccadé de ses lignes, entraînant la dislocation de l'espace pictural.
Quand la guerre éclate, il décide, pour éviter d'être envoyé au front, de devancer son appel au service militaire. Il est libéré pour cause de maladie en avril 1915, au bout de quatre mois. Mais il sera rappelé sous les drapeaux deux ans plus tard, avant d'être finalement réformé. Ces épreuves accentuent son opposition à l'ordre institué. Événements et rencontres l'entraînent à soutenir le mouvement révolutionnaire qui se développe dans les derniers temps de la guerre, et à s'orienter vers un art de critique sociale. Lié d'amitié avec l'éditeur Wieland Herzfelde, comme il l'est avec John Heartfield, il adhérera en même temps qu'eux au Parti communiste à la fin de 1918.
D'abord dépourvus de style personnel, ses dessins se transforment à partir de 1915 en charges aux traits rudimentaires, incisifs,[...]
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Écrit par
- Lionel RICHARD : professeur honoraire des Universités
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