MEAD GEORGE HERBERT (1863-1931)
Fortement marqué par les théories évolutionnistes, le philosophe américain George Herbert Mead a exercé une influence considérable sur le développement des sciences sociales. Pragmatiste, ami intime de John Dewey, il a largement contribué à combler le fossé qui séparait la psychologie individuelle de la sociologie. Il est généralement regardé comme l'un des pères fondateurs de la psychologie sociale moderne.
Alors que la psychologie sociale, avant lui, fondait l'étude de l'expérience sociale sur la psychologie de l'individu, il suggéra que l'expérience individuelle fût appréhendée à partir de la société, plus précisément à partir du système de communication interindividuelle qui est l'essence même de l'ordre social. La psychologie sociale, selon Mead, est la discipline qui étudie l'activité ou le comportement des individus au sein même du processus social. En d'autres termes, le comportement de l'individu ne peut être compris qu'à travers le comportement de l'ensemble d'un groupe social donné, dont l'individu n'est qu'un élément.
Professeur à l'université de Chicago de 1893 jusqu'à sa mort, Mead se définit lui-même comme un béhavioriste social. Ses principaux cours sont rassemblés dans deux ouvrages posthumes : The Philosophy of the Present (1932), qui renferme l'essentiel de sa pensée philosophique, et L'Esprit, le soi et la société (Mind, Self and Society, 1934), où sont réunis la plupart de ses travaux psychosociologiques et définis les quatre concepts fondamentaux de son système (actes sociaux, rôles, symboles significatifs et autrui généralisé).
Mead considère qu'il n'y a ni soi, ni conscience de soi, ni communication en dehors de la société, c'est-à-dire en dehors d'une structure qui s'établit à travers un processus dynamique d'actes sociaux communicatifs, à travers des échanges entre des personnes qui sont mutuellement orientées les unes vers les autres. En d'autres termes, la société est définie par des actes sociaux, par ce qui se passe entre deux ou plusieurs personnes ; la conscience de soi naît de cette interaction. Mead reprend et développe sur ce point l'une des idées maîtresses de Charles Horton Cooley (1864-1929).
Il voit dans le geste le mécanisme initial à travers lequel les actes sociaux sont effectués. Mais il distingue, d'une part, les gestes non significatifs qui sont propres au monde animal et qui ne constituent que des réponses immédiates à des stimuli ; d'autre part, les gestes significatifs qui caractérisent la plupart des rapports humains dans la mesure où l'individu est capable d'imaginer la réponse qu'il peut attendre de l'autre, d'agir comme l'autre agit, de définir le rôle qui sera le sien. Comme Cooley, Mead développe et précise cette notion de rôle qui devait devenir l'un des plus précieux concepts de la psychologie sociale.
Lorsqu'un geste a le même sens pour deux ou plusieurs individus, il devient un symbole qui permet à chacun, grâce au langage, de comprendre l'ensemble des échanges, de prévoir le comportement des autres et de se situer par rapport à eux. Ainsi la conscience de soi n'est-elle pas donnée ; elle se constitue au fur et à mesure que l'individu est capable de comprendre sa propre contribution par rapport à celle des autres ; et il ne peut la comprendre que dans la mesure où il est capable de se mettre « à la place » des autres. Cette compréhension va des échanges les plus simples, tels que les jeux à deux, à des jeux plus complexes au sein d'unités sociales plus vastes. Lorsque le système d'échange est fortement structuré, réglementé, institutionnalisé, chaque individu est capable d'avoir une représentation globale du jeu des autres et de prendre alors le rôle d'un « autrui généralisé » ([...]
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Écrit par
- Daniel DERIVRY : chargé de recherche au C.N.R.S.
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