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HERRIMAN GEORGE (1880-1944)

Né le 22 août 1880 à La Nouvelle Orléans de parents définis sur son acte de naissance comme « mulâtres », George Herriman renonce à reprendre la boulangerie de son père et se lance en 1897 dans le dessin de presse, puis à partir de 1902 dans la bande dessinée. Ses nombreuses séries – souvent animalières – sont publiées dans le magazine Judge et dans divers journaux, notamment le New York World, édité par Pulitzer. Quand en 1910 le magnat de la presse William Randolph Hearst s'attache sa collaboration, il crée dans l'Evening Journal la bande The Dingbat Family (intitulée parfois The Family Up Stairs), qui met en scène une famille obsédée par les bruits venant de l'appartement du dessus. Cette bande se termine en 1916, après avoir engendré la série à laquelle Herriman consacrera désormais l'essentiel de son temps : Krazy Kat.

C'est en tant que personnages secondaires de The Dingbat Family qu'apparaissent, dès 1910, deux animaux, Krazy Kat, une chatte (ou, selon certains exégètes, un chat efféminé), et Ignatz, une souris mâle (mariée et père de trois enfants). Ils ont ensuite droit à une bande de dimensions restreintes située sous The Dingbat Family, puis, à partir de 1913, ils deviennent les protagonistes d'une série indépendante et permanente, qui se compose, comme il est d'usage dans les quotidiens américains, d'un strip en noir et blanc publié du lundi au samedi et d'une page entière (en couleur à partir de 1935) dans le supplément dominical. George Herriman assurera le dessin et le scénario de Krazy Kat jusqu'à sa mort, survenue le 25 avril 1944 à Los Angeles.

Durant plus de trente ans, Herriman a répété la même comédie de situation, proposant des variations infimes sur un thème unique : Krazy Kat est amoureuse d'Ignatz Mouse, mais la souris, pour lui montrer son mépris, lui lance une brique – en vain, car Krazy interprète ce geste comme une preuve d'amour ; un bouledogue officier de police, Offissa Bull Pupp, assiste à la scène et, poussé à la fois par son désir de faire respecter la loi et par son amour pour Krazy Kat, met Ignatz en prison.

Un tel sujet pour une bande dessinée ne pouvait pas connaître un succès de masse ; à la mort de Herriman, la série ne paraissait que dans trente-cinq journaux américains (en France, elle ne fut publiée pour la première fois qu'en 1970, dans Charlie mensuel). Les ligues de moralité s'émurent de ces personnages contre nature (une souris qui agresse un chat, finalement secouru par un chien), à la sexualité indéfinie, et aux motivations douteuses (en incarcérant la souris, le chien élimine aussi un rival). Cependant, la série continua à paraître, car Herriman bénéficiait d'appuis solides, comme ceux de William R. Hearst et du président Wilson.

Si l'Amérique profonde ne fut pas séduite par Krazy Kat, la bande connut dans les milieux artistiques un succès qui reste inégalé, puisque parmi ses admirateurs on comptait des cinéastes comme Charlie Chaplin ou Frank Capra, des écrivains comme Jack Kerouac ou E. E. Cummings (auteur d'une préface à un recueil de planches de Krazy Kat, en 1946), des peintres comme De Kooning ou Picasso (qui avait découvert Krazy Kat par l'intermédiaire de Gertrude Stein). La série fut adaptée dès 1916 en dessins animés, devint en 1922 à New York un ballet de jazz symphonique (musique de John Alden Carpenter, avec dans le rôle principal le danseur russe Adolphe Bolm) ; plus tard, la série a inspiré divers artistes, comme le peintre suédois Öyvind Fahlström, qui a repris dans des toiles des cases de Krazy Kat (Performing K.K. no 2, 1963) ou l'auteur de bandes dessinées américain Bobby London, qui a retrouvé l'esprit de la série dans Dirty Duck (1971).

Krazy Kat a suscité des analyses nombreuses et variées. Dans la relation non évolutive des personnages,[...]

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  • BANDE DESSINÉE

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    • 22 913 mots
    • 16 médias
    ...donne naissance à deux chefs-d’œuvre : Little Nemo (1905) par Winsor McCay (1867-1934), récits oniriques partiellement inspirés par l’art nouveau, et Krazy Kat (1913), par George Herriman (1880-1944), bande animalière à l’humour absurde. L’année 1913 est aussi celle des débuts de Bringing Up...