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KENNAN GEORGE (1904-2005)

Né à Milwaukee (Wisconsin), George Frost Kennan fait des études d'histoire à Princeton avant de commencer une carrière diplomatique à l'âge de vingt-deux ans. Après des affectations à Genève, Berlin et dans les nouvelles républiques Baltes, il est envoyé en 1929 par le département d'État à l'université de Berlin pour étudier la langue et la culture russes. Dès l'établissement de relations diplomatiques entre les États-Unis et l'Union soviétique, en 1933, Kennan, alors l'un des rares spécialistes de ce pays au sein de la diplomatie américaine, est nommé troisième secrétaire à Moscou puis, au fil d'affectations successives, dans les ambassades américaines à Vienne, Prague, puis Berlin. Après l'entrée en guerre des États-Unis en décembre 1941, il est arrêté puis libéré par les nazis, avant d'être nommé à l'ambassade américaine de Lisbonne. En 1944, il retrouve Moscou comme ministre-conseiller.

Jusqu'alors diplomate respecté mais inconnu, il devient célèbre en 1946-1947 lorsqu'il théorise l'attitude américaine face à l'Union soviétique. En février 1946, dans un télégramme diplomatique de quelque huit mille mots (le « long télégramme ») envoyé de Moscou, il affirme que l'alliance américano-soviétique des années de guerre est caduque ; les États-Unis doivent désormais faire face à la menace soviétique, qu'il propose non pas de combattre frontalement par la guerre, mais d'endiguer patiemment et fermement par la diplomatie, l'action secrète et les jeux d'influence. Dans un article retentissant de la revue Foreign Affairs en juillet 1947, Kennan, qui signe « X », développe ce point de vue qui devient la clé de voûte de la politique soviétique du président Truman et de la vision américaine dite « réaliste » de la guerre froide.

En poste au département d'État à la fin des années 1940 et au début des années 1950, il est brièvement ambassadeur à Moscou en 1952, avant de quitter la carrière diplomatique en 1953, peu après l'élection d'Eisenhower et la nomination d'un nouveau secrétaire d'État, John Foster Dulles, qui juge les positions de Kennan trop passives.

Dès lors, et même s'il revient dans la diplomatie à la demande de John F. Kennedy comme ambassadeur en Yougoslavie de 1961 à 1963, Kennan entame une seconde carrière d'universitaire, d'observateur, de critique, et de sage. Membre de l'Institute for Advanced Study de Princeton, il devient une figure que les hommes politiques consultent régulièrement mais écoutent peu. Dans ses cours, ses conférences et ses livres (dont deux reçoivent le prix Pulitzer, en 1957 et 1967), il prend ses distances avec les interprétations et les applications qu'il juge erronées et dangereuses de sa conception de l'endiguement (containment). Très critique à l'égard de l'intervention américaine au Vietnam, de la politique étrangère de Ronald Reagan, et des interventions en Somalie, en Bosnie et au Kosovo, il juge sévèrement l'idéalisation par les Américains de leur modèle politique et leur volonté de l'exporter à travers le monde. Parallèlement, ce conservateur élitiste et plein de finesse prend acte sans sympathie (par exemple dans le dernier volume de ses Mémoires, paru en 1993) des changements sociaux et culturels survenus aux États-Unis depuis les années 1960.

Au-delà de l'amertume et du sentiment de décalage qui semblent l'avoir habité dans sa dernière période, et en dépit du fait que ses idées en matière d'endiguement furent rapidement détournées de leur sens par les responsables politiques américains, George F. Kennan reste comme l'un des diplomates et analystes les plus influents des années de guerre froide.

— François WEIL

Bibliographie

G. F. Kennan, Memoirs, vol. 1[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales

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