MURDOCK GEORGE PETER (1897-1985)

Les « dispositifs » de l'ethnologie comparée

Tout l'effort de Murdock est orienté vers un unique objectif : arracher l'ethnologie comparée au vertige de l'étude monographique, en appliquant à la matière ethnographique la méthodologie rigoureuse qui prévaut dans les sciences naturelles et dans la sociologie empirique. À cette fin, il met en œuvre cinq « dispositifs », ou modes d'interrogation de l'objet.

Un système de classification, de mise en archives et de recherche des données ethnographiques. L'idée, reprise d'Herbert Spencer, est que seul un vaste rassemblement de données sous forme de citations extraites des sources ethnographiques permet au savant de formuler et de tester des hypothèses théoriques. Les Human Relation Area Files (H.R.A.F.), véritable banque mondiale de données ethnographiques, ont permis, pendant la Seconde Guerre mondiale, de réaliser ce projet. Les H.R.A.F. fonctionnent désormais de manière régulière, les monographies sélectionnées augmentent, les extraits sont plus nombreux, le projet délibéré de prendre des contacts qui, à l'origine, les soutenait devient de moins en moins perceptible.

L'emploi de méthodes quantitatives pour vérifier ou infirmer l'existence de régularités dans les associations entre traits culturels. Dès 1889, Tylor avait introduit l'instrumentation statistique dans la comparaison des cultures et, vers 1930, A. L. Kroeber et ses associés avaient employé des méthodes quantitatives pour l'étude des phénomènes de diffusion culturelle. Murdock ne se borne pas à perfectionner une méthodologie quantitative encore rudimentaire jusqu'alors ; il applique des mesures statistiques de significativité (coefficient Q de Yale, coefficient χ²) et stimule, surtout, une longue série de travaux, dont certains d'un haut degré de raffinement.

Une définition uniforme des unités de culture soumises à comparaison. On ne peut en effet traiter de la même manière des cultures dont la forme d'organisation sociale prédominante est la tribu ou la bande, la cité ou l'Empire, l'État national ou la confédération d'États. Si la littérature ethnologique concerne surtout les cultures villageoises ou tribales, elle n'est pas moins riche en sources relatives à des aires comme l'Inde, la Chine, l'Asie centrale, politiquement organisées depuis des millénaires, où l'unité d'observation peut être, par conséquent, non seulement le village ou la tribu, mais la principauté ou l'Empire. La difficulté pour Murdock a été de définir des critères sûrs pour le choix de l'unité d'observation. Le débat, en vérité, reste ouvert, depuis que, avec R. Naroll et J. M. Whiting, les associés de Murdock s'en tiennent à une solution empirique : choisir, quelle que soit la forme d'organisation juridique, les communautés locales les mieux identifiées dans l'espace et dans le temps, étudiées par les meilleurs ethnographes d'après les normes méthodologiques et par ceux qui ont eu le contact personnel le plus prolongé et le plus étroit avec elles.

Une technique pour garantir l'indépendance des unités culturelles comparées. Murdock a été sensible à l'objection adressée par F. Galton aux travaux de Tylor : on ne peut tirer aucune conclusion des dénombrements d'occurrences si on n'a pas la garantie que deux unités culturelles observées ne sont pas deux exemplaires d'un même prototype. Murdock et, à sa suite, Naroll ont multiplié les recherches pour éviter les duplications, et résoudre d'une façon satisfaisante, du point de vue empirique sinon théorique, le « problème de Galton ».

Une technique d'échantillonnage pour sélectionner les unités culturelles. Impressionné par l'arbitraire de la représentation géographique des cultures dans les meilleurs[...]