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PUTTENHAM GEORGE (1529 env.-env. 1590)

D'aucuns disent que c'est Richard, son frère, et non George, qui a écrit le célèbre traité de rhétoriqueThe Arte of English Poesie publié sans nom d'auteur en 1589, par Richard Field, l'éditeur des poèmes de Shakespeare. On ne sait rien des Puttenham, sinon que leur mère était la sœur de sir Thomas Elyot, auteur d'un livre d'éducation célèbre, The Governour (1531). L'attribution du traité à un Puttenham date de 1614.

Ce traité de la poésie anglaise se situe à côté de bien d'autres traités critiques d'une époque qui cherche ses lettres de noblesse, veut justifier les arts littéraires qui vont lui conférer un inestimable prestige, soucieuse qu'elle est de sortir du chaos médiéval, de se fixer une méthode et des principes, de s'assurer des possibilités d'un art encore incertain. On va se battre furieusement autour de la poésie et du théâtre, non seulement au nom de la morale et de la religion, mais aussi au nom des normes, des méthodes, des conventions applicables aux arts du langage, à la recherche de l'expression juste et de la beauté capable d'émouvoir. Quels modèles imiter, à quelle discipline se plier, que valent les rhétoriques dont on se prévaut, où puiser des images, comment respecter l'indispensable decorum, c'est-à-dire la convenance, la propriété des termes, l'usage correct des tropes, par quoi distinguer les genres, à quoi tendent-ils, y a-t-il une hiérarchie des styles, et ainsi de suite, autant de questions que l'on se pose, que posent l'héritage des Anciens et la multiplicité des influences étrangères modernes.

Ces préoccupations sont au cœur même du traité de Puttenham, qui se présente comme l'inventaire raisonné le plus complet des diverses formes et des ressources de la poésie anglaise. Il est divisé en trois parties : « Des poètes et de la poésie », « De la proportion poétique », c'est-à-dire des règles à observer pour atteindre, comme la musique, une expression harmonieuse, « De l'ornement », enfin, qui traite de tout ce que l'imagination poétique ajoute à la structure du poème, c'est-à-dire les tropes ou figures de style qui constituent l'essence même de la poésie. Ces trois parties sont harmonieusement développées dans le style le plus classique qui soit, d'où la rigueur de la définition et la clarté de l'exposé n'excluent pas une certaine élégance didactique qui rend la lecture de cet ouvrage facile, et même agréable.

Le chapitre xxxi de la première partie passe en revue les meilleurs poètes anglais depuis la fin du xive siècle, et ce catalogue ne manque pas d'intérêt. Mais c'est la troisième partie qui est la plus instructive pour le lecteur moderne qui se piquerait de linguistique. On a récemment tiré Les Tropes de Du Marsais de l'oubli. Le tour semble venu de Puttenham, sans lequel toute « explication linguistique » des poètes de la Renaissance anglaise resterait incomplète et superficielle. Tous les vocables savants (d'aucuns disent pédants) dont il affuble ses figures sont autant de clés qui ouvrent le sens et l'intelligibilité d'un texte.

— Henri FLUCHÈRE

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Écrit par

  • : doyen honoraire de la faculté des lettres et sciences humaines d'Aix-en-Provence

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  • ÉLISABÉTHAIN THÉÂTRE

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    • 10 600 mots
    • 2 médias
    ...l'arsenal de la rhétorique classique, universellement enseignée dans les collèges et si complaisamment décrite dans le célèbre Art of English Poesie (1589) de Puttenham (1520 env.-1601). Elles s'assouplissent et se diversifient à l'infini, comme le vers et la syntaxe, et deviennent capables d'exprimer toutes...