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RAFT GEORGE (1895-1980)

Le nom de George Raft reste attaché à un seul film, Scarface, le chef-d'œuvre de Howard Hawks (1932), où un geste tout simple le fait entrer dans la légende : lancer une pièce de monnaie en l'air et la rattraper avec nonchalance. Ce geste devint la « signature » de l'acteur. Fidèle lieutenant du héros dans le film, dans la réalité il joue également un rôle : en raison de ses relations avec la pègre, dès le début du tournage, il est « convoqué » par Al Capone. Le célèbre gangster veut avoir un résumé de l'action et s'assurer que le portrait fait de lui, sous le nom de Scarface, n'abîmerait pas son image.

Né à New York, George Raft avait en effet grandi dans un monde interlope avant de devenir danseur professionnel, et c'est comme danseur qu'il débuta (une demi-douzaine de films avant Scarface, dont Hush Money de Sidney Lansfield, 1931). Pendant des années, il ira ainsi de « rôles dansants » (dans des films oubliés) en rôles de mauvais garçons, notamment dans la première adaptation à l'écran du roman de Dashiell Hammett, La Clé de verre (par Frank Tuttle, 1935). Non dénué de talent dramatique, mais doté d'une solide paresse (qui coïncide d'ailleurs avec le goût croissant, à l'époque, du cinéma américain pour les acteurs pratiquant l'understatement), George Raft s'impose surtout par son charme un peu félin, jusque dans un film aussi violent que À chaque aube je meurs (Each Dawn I Die, de William Keighley, 1939) où il est d'ailleurs excellent. On retiendra aussi sa prestation au côté de Marlene Dietrich dans L'Entraîneuse fatale (Manpower, de Raoul Walsh, 1941).

Dans They Drive by Night (R. Walsh, 1940), il jouait le frère aîné d'Humphrey Bogart. Emploi prémonitoire : l'année suivante, Raft, superstitieux, refuse le rôle principal de High Sierra que prépare Walsh, parce que le héros doit mourir à la fin. Le rôle échoit à la vedette numéro 2 au box-office de la Warner, à savoir Bogart, dont l'ascension marque le déclin de George Raft. Celui-ci exploite encore son élégance d'aventurier à la fois cynique et chevaleresque, personnage mis au point dans le remarquable Souls at Sea de Henry Hathaway (1937), mais les intrigues qu'on lui offre ne sont au mieux que des redites ou des fins de séries (Background to Danger, Walsh, 1942 ; Johnny Allegro, Ted Tetzlaff, 1949 ; A Bullet for Joe, Lewis Allen, 1955).

Fort riche au demeurant, n'ayant jamais perdu le contact avec les équivoques fréquentations de ses débuts, l'acteur semble se désintéresser de son métier au profit du turf et des salles de jeux (la rumeur affirme que la prise du pouvoir par Fidel Castro en 1959 ne sera pas sans compromettre les investissements de Raft dans les casinos de La Havane).

Toutefois, à partir de 1956 (Le Tour du monde en 80 jours), il revient à l'écran. Mais, figure légendaire, il se contente (non sans intelligence) de se parodier discrètement lui-même comme « invité d'honneur », en refaisant éternellement le geste qui l'a rendu célèbre, et d'abord dans cette parodie de Scarface qu'est Certains l'aiment chaud(Some Like It Hot, de Billy Wilder, 1959) puis dans deux films de Jerry Lewis : The Ladies Man (1961) et The Patsy (1964). Familier (et « actionnaire ») de Las Vegas, il est aussi naturellement intégré au « gang » de Frank Sinatra qui y dévalise un palace (Oceans Eleven, de Lewis Milestone, 1960). Si le dandy (qui de son vivant vit consacrer un film à son ascension sociale : George Raft Story, de J. Newman, 1960) meurt oublié, c'est sans doute en raison de l'évolution accélérée du cinéma, qui souligna sa difficulté à vieillir.

— Gérard LEGRAND

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