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GISSING GEORGE ROBERT (1857-1903)

Romancier anglais, que la critique américaine et française surtout est en train de tirer du demi-oubli où s'enlisait une œuvre peu attrayante au premier regard, mais très importante comme document humain et social et digne d'une étude attentive par la sincérité et l'acuité des analyses psychologiques. Le réalisme qui constitue la trame des intrigues nous apparaît d'autant plus authentique que Gissing ne l'exploite pas à la manière de Zola, à des fins de propagande ou de thèse sociale, mais nous le livre comme le produit d'une expérience vécue, ce que l'on soupçonnait et ce dont nous avons la preuve depuis la publication de ses Lettres (Letters of G. Gissing to Members of His Family, 1927) et de ses Carnets (G. Gissing Common Place Book, 1962). Vivant constamment en porte à faux, passionné d'érudition classique, esprit distingué aux goûts raffinés, Gissing s'est complu par perversion dans des situations qui, en négation de certaines de ses aspirations profondes, résultaient de l'application acharnée d'un faux idéalisme. Son étude si pénétrante sur Dickens (Charles Dickens, a Critical Study, 1898) souligne, pour qui sait lire entre les lignes, l'écart qui sépare leurs attitudes en face des milieux et des classes pauvres. Aux lieu et place de l'imagination sympathique de Dickens qui anime et soulève en quelque sorte la peinture des individus et des classes qu'il a connus par contact direct, Gissing met en jeu une sympathie de commande, intellectuelle, celle d'un « déclassé » volontaire et obstiné, qui descend vers le peuple, d'où le pessimisme qui imprègne son œuvre et agit sur elle à la manière de l'acide du graveur mais en rongeant la sérénité de l'artiste créateur.

Né à Wakefield, fils de pharmacien, élève très doué, il détruit tous les espoirs d'une brillante carrière par la fréquentation d'une jeune prostituée qu'il rêve d'arracher à son milieu et pour laquelle il commet des vols à Owens College. Emprisonné, puis contraint à prendre le large, il mène en Amérique une vie de grandes privations et n'échappe à la misère que par la publication d'articles et de quelques nouvelles. De retour en Europe, il renouvelle son erreur sentimentale et l'aggrave en épousant Marianne Harrison, cause de son exil. Quand elle meurt des atteintes profondes de la syphilis, Gissing prend la responsabilité d'épouser une ouvrière sans éducation d'aucune sorte, avec le chimérique désir de la transformer ; échec total qui le laisse désemparé ; une séparation sans divorce fera de lui un bigame quand, en 1898, il rencontrera une Française très distinguée et appariée à ses goûts profonds, Gabrielle Fleury. Il épouse Gabrielle et s'installe en France, au Pays basque. Des quelque vingt livres qu'il a produits au cours d'une vie difficile, il faut distinguer les deux chefs-d'œuvre que sont La Rue des meurt-la-faim (New Grub Street, 1891) et Né en exil (Born in Exile, 1892), pathétiques autobiographies transposées, Démos, une étude du socialisme anglais (Demos, a Story of English Socialism, 1886) — bien qu'ami de H. G. Wells il n'en partageait nullement le socialisme —, Femmes en surnombre (The Old Women, 1893), document marquant pour l'histoire de l'émancipation de la femme, et le recueil de nouvelles — posthume et au titre très révélateur — A Victim of Circumstances and Other Stories (1927). La seule œuvre où Gissing se réconcilie avec lui-même, mais parce que cette autobiographie élimine toutes les « circonstances » pénibles, c'est Les Carnets d'Henry Ryecroft (The Private Papers of Henry Ryecroft, 1903) qui jouit d'un succès auquel la France ne s'est pas encore associée.

— Pierre COUSTILLAS

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  • VICTORIENNE ÉPOQUE

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    • 10 883 mots
    • 11 médias
    ...dans le temps, que réalise le grand critique et esthète, disciple de Platon et de Hegel, Walter Pater, avec Marius the Epicurean (1885, 1892). George Gissing fait violence à ses goûts d'érudit et applique un réalisme relativement audacieux aux questions sociales, au féminisme dans Femmes en...