Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

RUSSELL GEORGE (1923-2009)

Le grand public l'a ignoré mais les professionnels de tout style ont reconnu en lui, à l'égal de Duke Ellington, l'un des créateurs les plus importants de l'histoire de la musique américaine : George Russell a en effet porté à un point d'achèvement rare une improbable synthèse totalisante mêlant le blues, le jazz primitif, une écriture classique nourrie de Bartók et de Messiaen, l'improvisation free, l'avant-garde européenne, le rock et les sons électroniques. Avec des pages dont la forme modale s'évade du système des tonalités majeures et mineures, il a construit une œuvre qui, en dépit de périlleuses audaces, suscite une obsédante sensation tonale et a durablement fasciné les plus grands interprètes de son temps. « George Russell [...] était un passeur. Un musicien pour musiciens. [...] Il fut le trait d'union entre Duke Ellington et ce que Miles Davis et John Coltrane feront plus tard. C'était un arrangeur très important dans le sens du passage du be-bop vers le free-jazz. En fait, il était plutôt batteur, mais c'était un musicien moyen. C'est son écriture qui compte. » Jean-Marie Hacquier (Jazz Hot).

Allan George Russell naît le 23 juin 1923, à Cincinnati (Ohio). Il accompagne souvent sa mère sur les riverboats, où il découvre, entre autres formations, celle de Fate Marable. Dans le voisinage du domicile familial résonne parfois le piano d'un certain Art Tatum. Enfant, il chante à l'église et dans la chorale de son école ; il est aussi tambour dans une fanfare de boy-scouts et un organiste local lui donne quelques leçons de piano. À douze ans, il débute l'étude de la batterie et se produit rapidement dans les clubs de sa ville natale. C'est à cette époque qu'il découvre l'univers de Debussy et de Stravinski. L'arrangeur Jimmy Mundy l'encourage à se consacrer à la composition. Grâce à une bourse, il peut s'inscrire à la Wilberforce University High School, où il se joint aux Collegians, prestigieuse formation qui compte dans ses rangs Coleman Hawkins, Benny Carter, Fletcher Henderson, Ben Webster, Cootie Williams, Ernie Wilkins et Frank Foster. En 1941, au moment d'entrer dans le corps des Marines, les services médicaux militaires diagnostiquent une tuberculose. Il subit alors une hospitalisation de six mois durant laquelle un autre patient l'initie à l'harmonie. En 1944, Benny Carter le recrute comme batteur. Russell sera quelques mois plus tard remplacé à ce poste par Max Roach, dont l'éblouissante virtuosité met un terme définitif à ses ambitions dans ce domaine. De retour à Cincinnati, il écrit un arrangement (New World) pour Benny Carter. Ce dernier le recommande chaleureusement à Earl Hines, avec qui George Russell travaille jusqu'en 1945. Profondément impressionné par Thelonious Monk, il se fixe à New York, où il fréquente Gil Evans et croise Miles Davis, Gerry Mulligan, Johnny Carisi, John Lewis, Charlie Parker... Une nouvelle hospitalisation de seize mois lui donne le loisir d'intensifier les recherches théoriques qui le passionnent. En 1947, il vend à Dizzy Gillespie son arrangement de Cubana Be / Cubana Bop, première tentative de fusion entre le jazz et les rythmes afro-cubains, qui est créée au Carnegie Hall la même année, le 29 septembre, avec le Cubain Chano Pozo aux percussions. De nombreuses formations – parmi lesquelles celles de Charlie Ventura, de Claude Thornhill, d'Artie Shaw – font appel à lui. En 1949, le clarinettiste Buddy DeFranco enregistre A Bird in Igor's Yard, page où George Russell teinte d'envolées parkériennes le langage de Stravinski. De 1951 datent deux partitions majeures : Odjenar – dédiée à sa femme Juanita Odjenar, peintre qui deviendra l'épouse de Jimmy Giuffre – et Ezz-thetic, œuvre que Lee Konitz enregistre à la tête d'un sextette[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Autres références

  • JAZZ MODAL

    • Écrit par
    • 401 mots
    • 1 média

    À partir de la fin des années 1950, des jazzmen adoptent une démarche dans laquelle la modalité prévaut sur la tonalité. Tous les courants du jazz vont peu à peu être concernés par cette approche.

    Le jazz modal ne peut pas vraiment être considéré comme un courant à part entière ; il s'agit...