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SAND GEORGE (1804-1876)

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L’émancipation

Soutenue par la Revue des Deux Mondes qui prépublie et édite l’ensemble de sa production, Sand, vedette du champ littéraire, fait l’objet d’une attention médiatique considérable ; elle a l’image d’une femme de mœurs libres, fumant le houka, souvent habillée en homme. Sa liaison avec Alfred de Musset, autre étoile de la littérature, est suivie avec attention par le Tout-Paris littéraire à partir de juin 1833. Après un semestre de relation idyllique, c’est le voyage à Venise, la maladie et les déchirements, le départ de Musset, qui laisse Sand dans une tendre complicité avec leur médecin italien Pietro Pagello. Au retour de Sand à Paris en août 1834, la liaison avec Musset reprend pour s’arrêter en mars 1835, après une série de soubresauts.

À partir de 1835, et en deux ans, George Sand fait trois rencontres absolument essentielles : Félicité de Lamennais, Michel de Bourges et Pierre Leroux, qui vont, dans le contexte de la rupture définitive avec son mari, transformer son appréhension de la société et dessiner son orientation idéologique. La critique a longtemps voulu lier chaque roman et chaque moment de la vie de Sand à une influence masculine. Il faut plutôt souligner la capacité de l’écrivaine à se créer ses propres options politiques, religieuses et poétiques à partir de ses rencontres et de ses lectures. Causées par l’intérêt grandissant de Sand pour la chose politique et par sa déception après la révolution « toute gâtée, pourrie même » de 1830, ces synergies n’arrivent pas par hasard. Après les soulèvements de Lyon en avril 1834 et l’attentat de Fieschi contre le roi Louis-Philippe en juillet 1835, la répression des républicains se fait plus nette et suscite son engagement.

Sand trouve chez Lamennais des idées qui lui sont chères : l’amour de l’homme, de la liberté, de l’égalité et de la justice, l’exhortation à l’entraide, à l’association, la critique de l’exploitation des hommes, la mystique du peuple. Le réquisitoire de Lamennais contre les puissants et les princes de l’Église qui, ensemble, tentent d’opprimer le peuple, trouve un écho dans l’anticléricalisme de Sand. Elle a rompu avec le catholicisme de sa jeunesse et prêche pour une religion égalitaire, teintée de panthéisme, fondée sur la fraternité des hommes et l’amour de Dieu, comme le montre son roman Spiridion (1839). La manifestation la plus éclatante de son anticléricalisme apparaît plus tard dans Mademoiselle La Quintinie (1863). À la suite de ce roman, l’ensemble de l’œuvre de Sand est mis à l’index.

Cependant, les positions de Lamennais sur la question de la propriété ou sur l’émancipation de la femme sont trop en retrait pour Sand. Elle envisage l’association du travailleur et du capital, et le partage des bénéfices et de la propriété. Elle rencontre, en avril 1835, une figure emblématique du parti républicain, Michel de Bourges, au moment où elle recherche un avocat pour son procès en séparation. Tous deux entament alors une liaison orageuse entrecoupée de discussions politiques enflammées dont font état Histoire de ma vie, et surtout la correspondance de Sand, sans doute plus précise sur sa radicalisation politique à partir du milieu des années 1830.

Mais Sand a aussi la foi en la capacité de l’homme (singulier) et de l’humanité (collective) au progrès et à la perfectibilité. Et cette foi, elle la partage avec Pierre Leroux. Typographe de formation, Leroux défend un socialisme spiritualiste, d’inspiration évangélique, alimenté par le saint-simonisme. Sand adhère à cette vision du monde fondée sur le progrès de l’humanité. Surtout, la philosophie de Leroux est profondément sensible à la question féminine et, notamment, à celle de l’éducation des femmes, ce qui est rare à l’époque.

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Écrit par

  • : professeure des universités, université Paul-Valéry Montpellier 3, membre senior de l'Institut universitaire de France

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Médias

George Sand - crédits : A. Dagli Orti/ De Agostini/ Getty Images

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George Sand - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

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