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SEGAL GEORGE (1924-2000)

Artiste américain, George Segal a souvent été considéré comme un sculpteur pop. „La réalité de George Segal est une réalité tragique, dans laquelle l'être humain et l'objet sont seuls et immobiles, mais paraissent destinés, par une sorte de volonté intérieure, à demeurer à jamais dans le même état.“ Ces mots d'Allan Kaprow, l'inventeur du happening, définissent parfaitement l'attitude et la teneur psychologique des „tableaux vivants“ de Segal, que l'on a pu comparer à des momies ou aux corps des habitants de Pompéi pétrifiés par les cendres du Vésuve. Figées à jamais dans leurs gestes les plus quotidiens, malgré la distance établie par le matériau utilisé, le plâtre, les sculptures de Segal sont des êtres proches de nous. Leur humanité tient assurément au fait qu'elles sont les moulages de personnes vivantes.

Né à New York dans une famille d'origine juive, diplômé en art et en architecture, George Segal s'adonne d'abord à la peinture. Puis il s'intéresse à la technique du moulage en plâtre dès 1958, se rapprochant ainsi de la pratique d'un Edward Kienholz. Il a l'idée de placer le personnage obtenu – un moulage d'après son propre corps, obtenu à l'aide de bandes enduites de plâtre – dans une scène de la vie quotidienne, l'accompagnant d'objets réels (L'Homme à table). Il manifeste ainsi un vif intérêt pour l'„environnement“ de la sculpture, idée reprise à John Cage, et surtout à son ami Allan Kaprow, qui réalisa d'ailleurs à cette date son tout premier happening dans la maison de campagne de Segal.

Les œuvres de Segal sont des sculptures toujours étroitement liées à l'environnement : ses personnages sont mis en situation non seulement par l'attitude donnée à leur corps, mais grâce aux nombreux objets dont leurs modèles réels se servent tous les jours : chaises, cabines téléphoniques, bus, lits, baignoires, lavabos, fenêtres, vitrines de boutiques, bars, bancs de jardin, etc. Tous ces objets sont rehaussés de taches de couleurs à partir du milieu des années 1970 ; si les corps restent blancs, ce sont eux qui insufflent la vie aux environnements qui peuvent atteindre de très grandes dimensions, comme The Gas Station, 1963-1964 : 262 cm × 748 cm × 123 cm. Dans cette scène digne du théâtre de Beckett ou de certains road-movies américains, les deux personnages, qui tranchent fortement sur le reste de la station-service par leur blancheur et par leur présence fantomatique, semblent transmettre néanmoins un peu d'humanité aux objets qui les entourent. Pourtant leur immobilité paraît indestructible alors que les objets peuvent se décomposer. Segal semble vouloir distinguer radicalement le temps de la durée des objets et celui de l'existence de ses personnages, à l'aide d'un seul matériau, le plâtre, qui n'est pourtant pas très résistant. Octroyer un peu d'âme à ces corps vides n'est pourtant pas le but de l'artiste qui les présente souvent dans des situations „neutres“, sans aucun message particulier à délivrer, avec quelques exceptions notables comme The Execution (1967), évocation de la guerre du Vietnam, ou The Bowery (1970), une rue de New York où se retrouvent nombreux les marginaux de la ville, ou enfin Holocaust (1983) dressé dans un parc de San Francisco. Ces corps au quotidien, objets parmi les objets, matériau parmi les matériaux – ne sont ni plus ni moins que des plâtres, mais, parce qu'ils forment une sorte de seconde peau d'êtres de chair (peut-être même, dans certains cas, une enveloppe qui a survécu à son modèle), ils semblent porter, dans les replis du matériau imitant les corps habillés ou les corps nus, la solitude de l'être humain. Ces hommes qui descendent du bus, ces jeunes filles qui regardent par la fenêtre, ces personnages assis dans un[...]

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Écrit par

  • : professeur en esthétique à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, critique d'art

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Autres références

  • POP ART

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  • SCULPTURE CONTEMPORAINE

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