STUBBS GEORGE (1724-1806)
Peintre et graveur anglais. L'étiquette de peintre animalier qu'on lui attribue généralement ne doit pas faire illusion sur l'originalité de la démarche et du talent de Stubbs. Son œuvre est précédée, en Angleterre, par une abondante production de sporting painting, dont les principaux représentants sont John Wootton, Peter Tillemans et James Seymour ; mais leurs tableaux sont à l'art de Stubbs ce que les vues topographiques du xviiie siècle sont aux paysages contemplatifs et à la peinture libérée de Girtin et de ses héritiers : Stubbs renouvelle radicalement un genre quasi artisanal ; il en sublime le réalisme par une étude scientifique inspirée ; il en élargit audacieusement le répertoire et l'investit d'un symbolisme puissant, nourri par son imagination d'authentique visionnaire.
Stubbs est presque un autodidacte. Ses études artistiques, en Angleterre, sont à peu près inexistantes et, quand il voyage en Italie (1754-1755), il manifeste envers la tradition classique une indifférence singulière pour l'époque. C'est que, de son propre aveu, il ne trouve pas ses sources dans l'art mais dans la nature (une nature observée avec une passion de l'objectivité bien digne du siècle des Lumières), surtout dans ce que les règnes animal et végétal offrent de plus irréductible aux conventions académiques. Sans doute, dans son désir d'élever l'art animalier au rang de la peinture d'histoire, Stubbs s'inspire-t-il parfois de l'antique, par exemple pour peindre un Lion attaquant un cheval (National Gallery of Victoria, Melbourne), mais c'est bien dans la nature, au cours d'un voyage au Maroc, qu'il aurait, semble-t-il, découvert ce thème. D'autre part, c'est pendant ses études d'anatomie et de zoologie que son œuvre animalier a pris corps. Il y apporte tant de zèle et de curiosité qu'il passe un an, vers 1758, à disséquer et à dessiner des chevaux. Préparées par dix années de labeur ardent, les planches de l'Anatomie du cheval, qu'il grave lui-même, paraissent en 1766 avec un grand succès. Stubbs, installé à Londres depuis 1760, poursuit alors une carrière de peintre animalier (ses « portraits » de chiens et surtout de chevaux sont recherchés). Il peint aussi des conversation pieces en plein air, des scènes de chasse, des tableaux de la vie à la campagne, d'une qualité naïve, avec souvent un savoureux désaccord entre les figures et le paysage (Le Phaéton du prince de Galles, 1793, château de Windsor ; Les Moissonneuses, 1783, Upton House). L'équilibre classique de la composition donne à ces images une dignité émouvante, sans que Stubbs ait besoin de recourir aux procédés de la peinture d'histoire, comme le fait, vers la même époque, l'animalier Sawrey Gilpin (L'Élection de Darius, City Art Gallery, York). Un génie plus fiévreux éclate dans les peintures de fauves, dont l'exotisme pittoresque est transcendé par l'intensité du contenu émotionnel (Guépard avec deux serviteurs indiens, City Art Gallery, Manchester ; nombreuses peintures de tigres, de lions, de macaques, de chevaux sauvages). Tandis que Fuseli, Barry, Mortimer, Runciman, Blake même et la plupart des peintres d'histoires préromantiques en Angleterre s'acharnent à exprimer la grande poussée de l'instinct et du mystère au moyen d'un art équivoque, mélodramatique et marqué par un académisme indélébile, Stubbs donne forme à cette poussée dans de beaux mythes naturels, libres d'associations littéraires trop précises et d'une efficacité irrésistible. Géricault, Delacroix et Barye retrouveront ces mythes sans les dépasser.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Pierre GEORGEL : conservateur en chef du Patrimoine
Classification
Médias
Autres références
-
ROMANTISME
- Écrit par Henri PEYRE et Henri ZERNER
- 22 170 mots
- 24 médias
...Snyders, les portraits de chiens de Desportes et d'Oudry, les portraits de chevaux dont le palais du Té offre déjà un prototype. Chez Agasse et surtout chez George Stubbs (1724-1806), qui a introduit un pathétique et un naturalisme nouveaux dans les portraits de chevaux, c'est à partir de là que s'est développé,...