BERNANOS GEORGES (1888-1948)
Figure emblématique de l'écrivain catholique au xxe siècle – avec Claudel et Mauriac –, Bernanos ne saurait relever d'une école littéraire ou d'une tendance politique univoque. Si ses premiers romans (Sous le soleil de Satan, L'Imposture, La Joie) s'insèrent, par leur écriture, dans la tradition balzacienne, ils n'en dépassent pas moins les structures romanesques du xixe siècle en y introduisant l'univers du surnaturel, tandis que Monsieur Ouine semble préfigurer les recherches du nouveau roman.
Face à l'histoire contemporaine, les différentes prises de position de son œuvre politique, au premier abord contradictoires, imposent l'image d'un homme anticonformiste, libre de toute allégeance à une hiérarchie catholique ou à un mouvement politique (l'Action française). Admirateur de Drumont, qu'il appelle son « vieux maître », Bernanos récuse l'antisémitisme d'Hitler. Fervent catholique, il fustige l'Église espagnole pour son comportement pendant la guerre d'Espagne. Adepte de Maurras, il se rallie d'emblée à l'appel du 18 juin 1940 lancé par le général de Gaulle et incarne, en Amérique latine, lors de la Seconde Guerre mondiale, l'esprit de la Résistance au moment où, dans son ensemble, l'Action française soutient le maréchal Pétain. Monarchiste, Bernanos rejette la Terreur de 1793, mais se réclame du mouvement révolutionnaire de 1789. Foncièrement anticommuniste, il réprouve les excès du capitalisme. Seule, une vision du monde humaniste spécifique peut rendre compte de ces contradictions.
L'expérience de l'enfance
Georges Bernanos naît à Paris, le 20 février 1888, au cœur de la « République opportuniste » (1879-1899), qui avait progressivement établi un régime républicain et promulgué une législation anticléricale opposée aux valeurs de l'Ancien régime, monarchiste et catholique, auxquelles adhéraient ses parents. Son ascendance – espagnole et lorraine par son père (tapissier-décorateur à Paris), berrichonne par sa mère (paysanne) – devait exercer sur lui une profonde influence.
Qui veut découvrir le secret de sa vocation d‘écrivain doit se pencher sur son enfance, où prennent naissance les sources d'une création littéraire, qui s'est accomplie sur une période relativement brève (1926-1948) : « J'ignore pour qui j'écris, mais je sais pourquoi j'écris. J'écris pour me justifier. – Aux yeux de qui ? – Je vous l'ai déjà dit, je brave le ridicule de vous le redire. Aux yeux de l'enfant que je fus. » (Les Enfants humiliés). L'enfance de Bernanos est, en effet, le temps et le lieu d'une expérience privilégiée : la prise de conscience de la nécessité de vivre une foi chrétienne authentique. Dispensée par ses parents, puis dans des établissements religieux – à Paris et en province – au cours de ses études secondaires, l'éducation catholique transmet à Bernanos une foi qui ne se réduit en aucune manière au respect traditionnel d'un code moral imposé, mais se révèle, au contraire, être l'adhésion de l'être entier à une personne : au Dieu « sensible au cœur » de Pascal.
Toute sa vie, dans ses romans (inspirés par Balzac, découvert et lu avec passion à l'âge de treize ans) comme dans ses essais politiques – où il veut porter témoignage par fidélité à Drumont, dont son père était un fervent lecteur –, Bernanos cherchera à transmettre, par le langage, une expérience de foi.
Catholique et monarchiste par tradition familiale, il n'est pas homme à séparer la pensée de l'action. Menant de front, à Paris, licence en droit et licence ès lettres, entre 1906 et 1913, il milite activement dans les rangs des camelots du roi de l'Action française, au point d'être arrêté par la police au cours d'une manifestation,[...]
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Écrit par
- Michel ESTÈVE : docteur ès lettres, diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris, critique de cinéma
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Médias
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