BIZET GEORGES (1838-1875)
Une vie difficile, une mort prématurée
Sa générosité de cœur ? Elle lui a coûté assez cher pour qu'il ne soit pas permis d'en douter. Toute sa vie en témoigne et surtout l'histoire de son mariage, en 1869, avec Geneviève Halévy, fille du compositeur de La Juive, future épouse en secondes noces du banquier Strauss et promue par Marcel Proust duchesse de Guermantes. C'était alors une jeune femme séduisante certes, mais névrosée, en perpétuelle discussion avec une mère que sa folie intermittente conduisait de maison de santé en maison de santé. L'inépuisable dévouement de Bizet pour sa belle-mère ne le cédait en rien à son amour attentif pour sa femme, un amour sans cesse traversé de drames qui, dans la dernière année du musicien, menacèrent fort de détruire son ménage.
Après une période dominée par des activités pianistiques souvent alimentaires (leçons et répétitions d'opéras, arrangements de partitions), il compose un premier opéra, Les Pêcheurs de perles (1863), dont l'accueil est assez médiocre et qui deviendra pourtant l'un de ses ouvrages les plus populaires. La Jolie Fille de Perth (1866) et Djamileh (1872) ne connaissent pas davantage le succès. Le choix de ses sujets révèle tout autant les goûts de l'époque que la curiosité intellectuelle de Bizet, qui recherchait volontiers l'exotisme et se plongeait parfois dans des études philosophiques. En 1871, il compose une suite de douze pièces pour piano à quatre mains, Jeux d'enfants, qu'il orchestrera en partie (six numéros) : son langage s'est simplifié, laissant couler librement la veine mélodique et montrant un raffinement harmonique qui trouve son épanouissement dans le musique de scène pour la pièce d'Alphonse Daudet L'Arlésienne (1872). À la création, c'est un nouvel échec pour le compositeur, que compense vite le succès de la suite symphonique créée un mois plus tard par Jules Pasdeloup. Après une autre tentative dans le domaine lyrique (Don Rodrigue, 1873, resté inachevé) et une page de circonstance, l'ouverture Patrie (1873), Bizet consacre toutes ses forces à la composition de Carmen, sur un livret de Meilhac et Halévy d'après la nouvelle de Prosper Mérimée (1873-1874). L'ouvrage est mal accueilli à l'Opéra-Comique, où la critique juge l'intrigue indécente et vulgaire. Il est vrai que l'ouvrage avait de quoi surprendre, tant il s'écarte des conventions de l'époque avec cette antithèse d'héroïne et cette fin tragique. Mais la véritable nouveauté de Carmen réside surtout dans la vérité des personnages, l'expression de leurs sentiments, le sens de la couleur et du mouvement.
Les circonstances de la mort de Bizet, à Bougival, le 3 juin 1875, restent obscures : quelques semaines après la création de Carmen, dans la nuit de la trente-troisième représentation, il succombait à une crise cardiaque. Saint-Saëns est à l'origine de la légende selon laquelle Bizet se serait laissé mourir, croyant à l'échec de Carmen. Mais c'est faire abstraction d'une santé délicate (fragilité de la gorge et rhumatismes aigus) et de l'attitude du public, qui était plus ouvert que la critique.
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Écrit par
- Henry BARRAUD : compositeur de musique, ancien directeur de la musique et du programme national de la Radiodiffusion française
- Alain PÂRIS : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France
Classification
Médias
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