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BURDEAU GEORGES (1905-1988)

Georges Burdeau, qui fut dès l'origine directeur scientifique de l'Encyclopædia Universalis pour le droit public et la science politique, restera comme un des plus importants représentants de l'école française de science politique au xxesiècle. Fuyant la fausse gloire que procure la fréquentation des journalistes, il n'avait qu'une ambition : comprendre le phénomène social.

La politique, au sens où nous l'entendons communément, ne l'intéressait que médiocrement. Elle était seulement pour lui le point d'application d'une recherche plus ambitieuse sur les mécanismes qui fondent et gèrent les sociétés humaines. Ce qui l'intéressait, c'était le politique. En fait, Georges Burdeau était un philosophe.

Plus précisément, c'était un philosophe chrétien. Certes, les références explicites à Dieu sont rares dans son œuvre. Mais sa pensée trouve sa source dans la doctrine de l'Église selon laquelle le pouvoir politique a été créé par Dieu pour satisfaire ses desseins concernant la race humaine. Peu importe qu'il ait ensuite laïcisé cette donnée de base en faisant procéder le pouvoir de la société humaine... Pour lui, le pouvoir reste la pierre angulaire de toute organisation sociale, et l'État en est la forme la plus achevée.

Sa réflexion sur le pouvoir s'inscrit dans le débat qui, depuis toujours, oppose les juristes en deux camps : partisans du droit naturel d’un côté, positivistes de l’autre. G. Burdeau est trop subtil, et trop bon historien, pour adhérer aux thèses positivistes selon lesquelles le droit ne peut procéder que de la volonté de l'État. Mais l'idée contraire, selon laquelle il existerait un corps de règles qui s'imposent à l'État lui-même et sur lesquelles l'individu pourrait s'appuyer pour refuser l'obéissance aux lois positives, lui paraît éminemment dangereuse pour l'ordre social. Or cette idée, modernisée au début du siècle par l'éminent juriste Léon Duguit, exerce encore une grande attraction sur les esprits au moment où, en 1934, G. Burdeau est reçu, à vingt-neuf ans, au concours d'agrégation de droit public. C'est contre elle qu'il va réagir en publiant en 1942 son ouvrage Le Pouvoir politique et l'État, dont il reprendra les thèmes en les enrichissant sans cesse dans les éditions successives des tomes I et II, et, pour la dernière fois en 1986, dans le tome X de son Traité de science politique. Certes, dit-il, il est exact qu'il existe dans la société une représentation idéale du juste et de l'injuste, une image de l'ordre social qu'il conviendrait de réaliser en vue du bien commun du groupe, une idée de ce que devrait être le droit. Mais alors que l'école jusnaturaliste et Léon Duguit, partant de cette constatation, opposaient ce droit naturel ou ce droit objectif aux gouvernants, qui devenaient illégitimes s'ils s'en écartaient, G. Burdeau pose au contraire en principe qu'il ne peut y avoir de contradiction entre le droit qu'ils édictent et l'idée de droit engendrée par le corps social. L'idée de droit, en effet, recèle en elle un dynamisme fait de l'aspiration des membres du groupe à la voir se traduire en règles de droit. Et ce dynamisme est tel qu'il amène nécessairement la mise en place d'un pouvoir qui la réalisera. « Le pouvoir, c'est l'énergie de l'idée de droit [...]. Le conquérant peut croire qu'il doit sa fortune à son épée, le législateur à sa sagesse... En réalité, ils ne sont que l'instrument d'une idée qui trouve en eux l'occasion de développer sa puissance. » Le pouvoir et le droit ont donc la même origine et il ne peut y avoir conflit entre eux : « Le pouvoir, c'est la règle elle-même ; c'est l'exigence de la règle à être garantie par un procédé technique,[...]

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    L’obéissance d’une immense majorité à l’État est d’autant plus incompréhensible qu’ainsi que le remarquait le juriste et politologue Georges Burdeau (1905-1988) « personne n’a jamais vu l’État » (L’État, 1970). On regroupe sous ce nom des hommes de pouvoir, des institutions...