CHRISTOPHE GEORGES COLOMB dit (1856-1945)
Né à Lure (Haute-Saône) le 25 mai 1856, décédé à Nyons (Drôme) le 3 janvier 1945, Georges Colomb fut un naturaliste de renom : il fut en effet sous-directeur du laboratoire de botanique de l'École des hautes études, auteur d'une quarantaine de manuels scolaires, chroniqueur scientifique de diverses publications et de Radio-Paris. Il écrivit également plusieurs ouvrages sur la Gaule, défendant ardemment la thèse – aujourd'hui abandonnée – selon laquelle la bataille d'Alésia aurait eu lieu sur le site d'Alaise (commune du Doubs, actuellement rattachée à Eternoz), et non à Alise-Sainte-Reine, en Côte-d'Or.
Mais si Georges Colomb est passé à la postérité, c'est pour une tout autre activité, qui ne l'occupa pourtant qu'une quinzaine d'années. Sous le pseudonyme de Christophe, il publia en feuilleton de 1889 à 1904, dans Le Petit Français illustré, un hebdomadaire pour enfants édité par Armand Colin, quatre séries d'histoires en images qui rencontrèrent un succès considérable et eurent des conséquences déterminantes sur l'évolution de la bande dessinée francophone.
La Famille Fenouillard (1889-1893, album en 1893) narre les aventures d'une famille de commerçants de province (le père, qui est bonnetier, son épouse et leurs deux filles, Artémise et Cunégonde), entraînée malgré elle dans un tour du monde. Christophe traite le thème du voyage cocasse, traditionnel à l'époque : on le trouvait déjà dans des histoires en images de Töpffer (dont une citation figure en exergue de l'album), et au théâtre, avec Le Voyage de M. Perrichon de Labiche (1860). En outre, certaines péripéties rappellent des passages du Tour du monde en quatre-vingts jours de Jules Verne (1873).
Viennent ensuite Les Facéties du sapeur Camember (1890-1896, album en 1896), histoire d'un petit paysan du second Empire qui, grâce à sa belle barbe, devient sapeur. Le comique de cette œuvre ne repose ni sur les situations ni sur les images, mais réside dans les pataquès du sapeur ou, comme l'a dit Francis Lacassin, « dans les triturations d'un langage annonciateur du jargon de Popeye, des bonheurs de Zazie, et des onomatopées des bandes dessinées récentes ».
Quant à L'Idée fixe du savant Cosinus (1893-1899, album en 1899), elle présente une trame narrative qui est l'inverse de celle de La Famille Fenouillard : Cosinus veut suivre l'exemple de son cousin Fenouillard et faire le tour du monde, mais toutes ses tentatives seront vouées à l'échec, et il ne réussira jamais à quitter Paris. Cosinus est un polytechnicien, totalement inadapté à la vie pratique. À travers ce personnage coupé de la réalité, Christophe – qui se serait inspiré des étourderies du mathématicien Henri Poincaré – se livre à une satire du monde scientifique, que son alter ego Georges Colomb connaissait bien.
Les Malices de Plick et Plock (1893-1904, album en 1904) met en scène deux « gnomes domestiques » à la recherche du « mot magique » qui leur permettra de ne plus être victimes de leurs propres farces (après dix années d'attente, les jeunes lecteurs devenus adultes apprendront que c'est « Réfléchir avant d'agir »).
Christophe est un descendant direct de Töpffer, et, comme lui, il n'utilise pas de phylactères. Les textes, imprimés sous les cases, sont particulièrement soignés et, au-delà d'un graphisme plutôt académique, Christophe a parfois recours pour les vignettes à des angles de vue novateurs, qui ne seront redécouverts que plusieurs décennies plus tard par le cinéma (plongée, vue aérienne, panoramique, travellings, caméra subjective). Sa vision du monde est gaie mais sans illusions. Il joue avec les paradoxes, l'érudition loufoque, la cuistrerie, les problèmes – et les solutions – imaginaires : on comprend qu'il ait retenu l'attention de divers pataphysiciens,[...]
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Écrit par
- Dominique PETITFAUX : historien de la bande dessinée
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BANDE DESSINÉE
- Écrit par Dominique PETITFAUX
- 22 913 mots
- 16 médias
Töpffer constitue le modèle avoué de Christophe (Georges Colomb, 1856-1945, sous-directeur du laboratoire de botanique de la Sorbonne), auteur dans Le Petit Français illustré de plusieurs longs récits, dont La Famille Fenouillard (1889). Comme ses prédécesseurs, Christophe place le texte sous l’image,...