CRESPY GEORGES (1920-1976)
Méridional, malin certes, mais avec cette réserve enjouée, souvent plus attentive que bavarde, qui fait du Languedocien un homme chaleureux et toutefois difficile à circonscrire, le pasteur Georges Crespy a vécu toute sa vie à Montpellier. Extrêmement doué pour la parole, il a consacré une portion considérable de sa trop brève existence à une double écoute, pastorale et psychologique, sans pourtant confondre l'une avec l'autre, à des tâches de professeur, de conférencier, d'évangéliste, d'essayiste, de journaliste, d'organisateur, sans toujours arriver à les relier. Au sein du protestantisme français, il a été le pionnier des nouvelles théologies, sensible aux interrogations de l'homme contemporain, soucieux d'une présence de l'Église au monde qui ne fasse de celle-ci ni un ghetto religieux, ni un boulevard culturel. Au-delà de l'aire confessionnelle, il était d'ailleurs remarquablement informé dans les domaines de la psychologie, de la sociologie et de la linguistique. Aussi à l'aise en Espagne, en Italie, au Portugal, en Amérique latine qu'en Languedoc, il a aussi été un grand voyageur œcuménique en Europe, en Asie et aux États-Unis.
Après ses études de philosophie et de théologie à Montpellier, Georges Crespy devint pasteur de l'Église réformée de France en 1942, à Lasalle, en bordure des Cévennes : il y reçut la consécration pastorale en 1946.
En 1950, il soutenait sa première thèse de doctorat, Le Problème d'une anthropologie théologique, et était nommé à la faculté de théologie protestante de Montpellier comme maître de conférences pour la philosophie des sciences ; puis il allait en 1953 y devenir professeur titulaire de la chaire d'éthique. En 1952, il publie La Guérison par la foi (Delachaux et Niestlé, Neuchâtel-Paris), ouvrage qui se termine par ces mots : « L'essentiel est de placer un malade, par la prière, devant le Seigneur dont la grâce apporte sa solution à toutes les situations humaines [ ... ]. Cet acte aide à dépasser le plan où se situent les interventions thérapeutiques, en les tournant vers la fin pour laquelle elles travaillent sans le savoir, la venue du règne de Dieu. » Dans ce texte apparaissent les deux préoccupations caractéristiques de Crespy : d'une part, comment articuler aujourd'hui la foi et les sciences ? d'autre part, le christianisme est-il un messianisme du Royaume et, dans ce cas, est-il, comme toutes les effervescences utopiques, une vague chaleureuse suivie de déceptions ou bien le messianisme dont l'accomplissement absolu a déjà relativement commencé dans la résurrection de Jésus-Christ ?
En 1961 paraît le grand ouvrage de Crespy, sa seconde thèse de doctorat : La Pensée théologique de Teilhard de Chardin (Éditions universitaires, Paris), dont l'audience fut considérable en France et à l'étranger et qui montrait la puissance de la tentative teilhardienne opérer au xxe siècle une réflexion, comparable à celle de saint Augustin en son temps, sur les rapports entre christologie et cosmologie mais aussi sa difficulté en raison du risque constant de confondre les ordres de la connaissance, notamment l'histoire naturelle et l'histoire selon la théologie. Crespy voyait la valeur de Teilhard dans son ambition de surmonter la dissociation moderne entre les sciences et la foi et sa fragilité dans le danger pour le phénoménologue scientifique de se muer en mystique intra-divin. Dans un autre livre, De la science à la théologie (Delachaux et Niestlé, Neuchâtel-Paris, 1965), il devait affiner encore son effort de réflexion méthodologique sur le sujet.
Avec une seconde série d'ouvrages : L'Église servante des hommes (Labor et Fides, Genève-Paris, 1966), Les Ministères de la Réforme et la réforme des ministères (ibid., 1968), Croire aujourd'hui (Éditions[...]
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Écrit par
- André DUMAS
: pasteur, président du journal
Réforme
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