CUVIER GEORGES (1769-1832)
Les ossements fossiles
Mais l'application la plus originale, celle qui frappa davantage les esprits et qui constitue le plus grand titre de gloire de Cuvier, a trait aux ossements fossiles. Le 1er pluviôse an IV, il lut devant l'Institut national son mémoire sur les « espèces d'Éléphants fossiles comparées aux espèces vivantes ». En 1812, paraissait la première édition des Recherches sur les ossements fossiles où l'on rétablit les caractères de plusieurs animaux dont les révolutions du globe ont détruit les espèces, ouvrage qui n'était guère que la réunion des travaux antérieurs de l'auteur. Une deuxième édition, enrichie de faits nouveaux, était publiée de 1821 à 1824 ; une troisième, datant de 1825, ne différait de la précédente que par quelques développements ajoutés au célèbre discours préliminaire, souvent imprimé à part sous le titre : Discours sur les révolutions de la surface du globe et sur les changements qu'elles ont produits dans le règne animal. Il précisait ainsi le but qu'il se proposait d'atteindre : « N'y aurait-il pas quelque gloire pour l'homme à savoir franchir les limites du temps et à retrouver, au moyen de quelques observations, l'histoire de ce monde et une succession d'événements qui ont précédé la naissance du genre humain ? »
Dès son premier mémoire sur les Éléphants fossiles, il émet l'idée d'une création d'animaux antérieurs à la création actuelle, création entièrement détruite et perdue. Cette hypothèse servira de point de départ à de brillantes recherches qui se poursuivront pendant trente années, malgré les plus grandes difficultés. Dans le cas des Mammifères, auxquels s'intéressait particulièrement Cuvier, il est infiniment rare de trouver un squelette fossile à peu près complet : « Des os isolés et jetés pêle-mêle, presque toujours brisés et réduits à des fragments, voilà tout ce que nos couches nous fournissent, et la seule ressource des naturalistes. »
Il fallait donc être capable de déterminer ou de reconstituer, à partir d'un fragment d'os, l'animal auquel il avait appartenu, art presque inconnu au moment où Cuvier commença ses recherches. L'anatomie comparée lui fournissait le principe nécessaire à cette détermination : le principe de corrélation des organes, selon lequel chaque partie d'un animal peut être donnée par chaque autre, et toutes par une seule. De la forme des dents, par exemple, on pourra conclure la forme des pieds, celle des mâchoires, celle des intestins. Cette déduction rigoureuse, sinon infaillible, a souvent permis à Cuvier de reconnaître un animal à partir d'un fragment d'os ou d'une dent. On connaît l'anecdote qu'il a lui-même rapportée à propos de la découverte d'un Didelphe dans le gypse de Montmartre ; l'examen des dents lui ayant montré la parfaite analogie de ce fossile avec les Sarigues, il ne doute point, avant d'avoir vu le bassin, que celui-ci portait des os marsupiaux. En présence de quelques amis, il fit creuser la pierre et mit au jour le bassin ; les os marsupiaux s'y pouvaient voir.
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Écrit par
- Jean PIVETEAU : professeur honoraire à la Sorbonne, membre de l'Académie des sciences
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