LA TOUR GEORGES DE (1593-1652)
La « redécouverte » de Georges de La Tour, peintre renommé en son temps, mais tombé dans l'oubli après sa mort, est une grande conquête de l'histoire de l'art. Lorsqu'en 1835 Prosper Mérimée, inspecteur des Monuments historiques, admirait du magnifique Vielleur du musée des Beaux-Arts à Nantes – qu'il croyait de Velázquez – l'« ignoble et effroyable vérité », plus aucun tableau, dans aucun musée du monde, ne portait en effet le nom de Georges de La Tour. Il fallut attendre la publication, en 1863, des patientes recherches d'archives d'un érudit lorrain, Alexandre Joly, puis leur exploitation, en 1915, par un jeune chercheur allemand plein d'intuition, Hermann Voss, pour que resurgisse enfin des ténèbres qui l'enveloppaient l'une des plus hautes figures de la peinture occidentale. Si, depuis cette époque, les travaux poursuivis par quelques spécialistes et la réapparition, ou la réattribution de maints tableaux, originaux et copies, ont permis de mieux cerner la personnalité artistique de La Tour, bien des éléments font encore défaut qui permettraient de reconstituer le puzzle de sa vie et de son œuvre, et de mieux comprendre sa personnalité.
La notoriété et l'oubli
Fils d'un boulanger de Vic, aujourd'hui Vic-sur-Seille, dans l'évêché de Metz, Georges de La Tour naît en mars 1593. Il est issu de ce milieu relativement aisé d'artisans et de petits propriétaires qui, dans l'ancienne France, fut de tout temps une réserve d'élites. Son mariage, en 1617, avec Diane Le Nerf, fille d'un argentier du duc de Lorraine Henri II, alliée à toute la noblesse locale, marque le début de son ascension sociale. En 1620, l'artiste décide de s'installer à Lunéville, berceau de la famille de sa femme, parce qu'il sait que le marché nancéien, dominé par Jacques de Bellange jusqu'à sa mort en 1616, mais bientôt investi par Claude Deruet et Jean Le Clerc revenus d'Italie respectivement en 1619 et vers 1622, lui est en grande partie fermé. Dans cette petite ville où le duc fait alors bâtir un nouveau château, il peut à la fois compter sur de solides appuis et devenir, sans nul risque de concurrence, un peintre prospère. Les marques de la faveur ducale ne se font guère attendre : nanti dès 1620 de lettres d'exemption fiscale qui lui confèrent des privilèges voisins de ceux de la noblesse, il exécute pour Henri II, en 1623 et 1624, deux tableaux, aujourd'hui perdus. Bien que ses prix soient très en dessous de ceux pratiqués par un Deruet, son activité semble vite des plus florissantes : engagement d'apprentis, achat d'une coûteuse propriété à Lunéville, tout indique déjà, dans les années 1625-1630, une belle réussite. Cependant, entre 1631 et 1635, l'horizon s'obscurcit : la Lorraine, investie par les Français en lutte contre les Impériaux, entre dans la guerre de Trente Ans. Frappée par la peste à deux reprises, rançonnée par les troupes de passage, Lunéville est finalement incendiée en 1638. À cette occasion disparaît sans doute une bonne part de l'œuvre de La Tour. Soucieux de ses intérêts, le peintre se rallie très vite aux Français : en 1634, après l'abdication du duc Charles IV, il prête serment de fidélité à Louis XIII, avec d'autres personnalités de Lunéville ; en 1636, sa fille Marie est portée sur les fonts par le gouverneur français du lieu, le capitaine Sambat de Pédamont, puis soudain, en 1639, l'artiste est mentionné dans un acte de baptême comme « peintre ordinaire du Roy ». Ce titre inattendu, qui a fait couler beaucoup d'encre, a trouvé naguère un début d'explication grâce à la découverte, dans les comptes royaux du premier semestre 1639, d'une mention portant versement à « Georges de La Tour » de « la somme de mil livres [...] pour le voïage qu'il est venu faire de [...]
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Écrit par
- Robert FOHR : historien de l'art
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Médias
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