SCUDÉRY GEORGES DE (1601-1667)
Il n'est pas seulement le frère (et le collaborateur) de Madeleine, ou le matamore des lettres qu'on s'est plu à ridiculiser : c'est aussi un poète et un dramaturge apprécié de ses contemporains. Il quitte en 1630 une carrière militaire illustrée par cette retraite au pas de Suse qu'il vantera toute sa vie comme un exploit (sans être d'ailleurs, semble-t-il, démenti à l'époque), pour se fixer à Paris et devenir homme de lettres. Il publie en 1631 un recueil de poèmes, fortement marqué par l'influence de Théophile, à qui il témoigne une admiration courageuse (Ode de la tempeste), et celle de Marino (La Belle Affligée, La Nymphe endormie...). Familier de l'hôtel de Rambouillet, il collabore à la Guirlande de Julie et écrit de nombreux vers galants. Dès 1630, il a fait représenter sa première pièce, Ligdamon et Lidias, tragédie tirée de L'Astrée ; quinze autres suivront : d'abord des tragi-comédies fort irrégulières et quelques comédies (en particulier La Comédie des comédiens qui, comme quelques années plus tard L'Illusion comique, comprend une pièce à l'intérieur de la pièce), puis des tragédies (La Mort de César, 1635, et Didon, 1636). C'est Scudéry qui lance la querelle du Cid avec ses Observations sur le Cid, dans lesquelles il discute la pièce de Corneille à coups de citations d'Aristote et d'autres théoriciens ; c'est lui encore qui, l'année suivante, est l'auteur d'une tentative malheureuse (L'Amour tyrannique) pour faire mieux que Corneille sur le même sujet. Son théâtre lui a jusque-là valu de gros succès (en raison surtout de son art de la mise en scène) ; mais, en dépit de l'estime des doctes, en dépit de ses efforts pour s'adapter aux goûts nouveaux, en dépit du triomphe remporté par l'une des deux pièces qu'il tire d'un des romans de sa sœur, Ibrahim, le public le boude de plus en plus : il abandonne le théâtre en 1643. Il rejoint d'ailleurs, cette année-là, la Provence en compagnie de Mlle de Scudéry, car il vient d'être nommé gouverneur du fort de Notre-Dame-de-la-Garde (on doit aux déplacements entraînés par cette nomination toute une série de sonnets sur la fontaine de Vaucluse). Il perd son commandement quelques années plus tard, en raison sans doute de sa fidélité à Condé. Alors qu'il est rentré à Paris et devenu académicien en 1650, c'est encore à la suite de son activité en faveur de Condé qu'il doit se réfugier en province en 1654 : il mourra en Normandie. Cette fuite interrompt sa collaboration aux romans dont sa sœur était déjà le principal auteur, mais qui paraissaient jusque-là sous son nom : Ibrahim ou l'Illustre Bassa (1641) et surtout les treize mille pages d'Artamène ou le Grand Cyrus (1649-1653). Mlle de Scudéry poursuit seule la rédaction de Clélie ; Scudéry, lui, écrira les huit tomes d'Almahide (1660-1663). L'année de sa fuite, il a publié une épopée chrétienne, Alaric, dont la pauvreté n'a d'égale que la longueur (onze mille versets), et dont Boileau, dans L'Art poétique, ridiculisera en cinq vers la prétention et la nullité — comme ailleurs il raillera « la fertile plume » de l'auteur. Ces traits ne se justifient que trop, mais ce que surtout la génération de Boileau ne pardonne pas à Scudéry, c'est d'être demeuré, avec son faible pour le panache et pour une préciosité et une galanterie surannées (ainsi que le montrent ses Poésies diverses de 1649, dans lesquelles il reste fidèle aux goûts et aux admirations de sa jeunesse), « le type complet de la littérature du temps de Louis XIII » (Émile Faguet).
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Écrit par
- Bernard CROQUETTE : agrégé de l'Université, maître assistant à l'université de Paris-VII
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