DUBY GEORGES (1919-1996)
Un regard novateur et global sur le Moyen Âge
« Son » Moyen Âge est celui de la féodalité à son apogée, après la fin des invasions et de leurs désastres, mais avant la grande époque où les Capétiens lancent et réussissent l'œuvre de construction d'un État. La féodalité, c'est tout un système social : des paysans qui travaillent, qui défrichent, qui bâtissent (et Duby sera un des pionniers de l'introduction de l'archéologie médiévale) ; des nobles qui vivent de la production de leurs « protégés » et occupent leurs loisirs à des jeux brutaux qui tiennent à la fois de la guerre, de la vendetta et du sport (les tournois) ; et les clercs, qui achèvent de répandre la foi chrétienne, réconfortant les uns, disciplinant tant bien que mal les autres. On savait cela plus ou moins, mais l'important est la précision et la finesse avec laquelle sont retracés ces rapports humains, ainsi que la conscience que les hommes en avaient. Qu'était-ce alors qu'une famille ? qu'une bande de jeunes (guerriers) ? Qu'était-ce qu'aimer ? qu'être fidèle ? que servir ? Dans cette volonté de tout évoquer et de tout comprendre, de réaliser ce qu'on commence alors à appeler l'« histoire des mentalités collectives », Duby se rattache désormais tout autant au Marc Bloch des Rois thaumaturges qu'à celui des Caractères originaux. Il rejoint dans cette chasse à l'anachronisme intellectuel le Lucien Febvre de Rabelais ou le Philippe Ariès des Attitudes devant la vie. Plus tard, Duby développera ces recherches des mentalités avec une véritable passion.
Docteur ès lettres à trente ans, Georges Duby inaugure sa carrière de professeur de faculté à Besançon, puis, après un instant d'hésitation, retourne à Lyon ; ensuite, il accepte une nomination à Aix-en-Provence, où il enseignera de 1951 à 1970, date de son élection au Collège de France. Que Duby, avec quelques autres professeurs, ait assez vite rehaussé la réputation universitaire d'Aix, la chose est bien connue. Il est plus exact encore de dire que la Provence aixoise lui a donné une sorte de seconde patrie, mais aussi de troisième identité. Après le grand médiéviste, après l'adepte d'une nouvelle écriture de l'histoire, voici maintenant l'amateur de beauté en passe de devenir le commentateur d'art. Les Aixois de ce temps se souviennent avec le sourire de la façon dont Duby préférait Aix à Marseille, comme on préfère la tradition à la modernité, les vieilles pierres aux sociétés remuantes et l'antichambre de l'Italie à la porte de l'Orient. La Provence aixoise de Georges Duby, c'était l'art roman, comme en Bourgogne, mais avec la lumière méditerranéenne en plus. Et c'était aussi une belle demeure choisie hors la ville (où il devait finir ses jours), au pied de la montagne Sainte-Victoire... Duby, artiste-né, peintre à ses heures, eut cependant un jour la modestie d'avouer que toute la partie de son œuvre qui tient au commentaire d'art était née d'une sollicitation extérieure, celle d'Albert Skira, le grand éditeur genevois.
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Écrit par
- Maurice AGULHON : professeur honoraire au Collège de France
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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