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ENESCO GEORGES (1881-1955)

La musique roumaine doit la révélation de son identité à Georges Enesco qui a joué, dans son pays natal, un rôle analogue à celui de Béla Bartók et de Zoltán Kodály en Hongrie, d'Antonín Dvořák et de Leoš Janáček en Tchécoslovaquie ou de Karol Szymanowski en Pologne. Il était avant tout compositeur, mais son œuvre reste encore dans un oubli incompréhensible. L'interprète – violoniste, pianiste, chef d'orchestre – a souvent éclipsé cet aspect primordial de sa vocation musicale, et il en a beaucoup souffert. Enesco s'est aussi affirmé comme un animateur infatigable – la Roumanie lui doit ses plus grandes institutions musicales –, et un pédagogue hors pair : il fut le maître de Yehudi Menuhin.

Georges Enesco - crédits : Thurston Hopkins/ Picture Post/ Getty Images

Georges Enesco

Yehudi Menuhin - crédits : Erich Auerbach/ Getty Images

Yehudi Menuhin

Le compositeur

Né en 1881 à Liveni, petit village du nord de la Moldavie, Enesco découvre le violon dès l'âge de trois ans en écoutant les orchestres populaires. Édouard Caudella, son premier maître, prend vite conscience de ses dons peu communs et l'envoie à Vienne où il travaille à l'Académie de musique (1888-1894) avec Sigmund Badrich et Josef Hellmesberger (violon), Emil Ludwig (piano), Robert et Johann Nepomuk Fuchs (écriture et composition). De 1895 à 1899, il poursuit ses études au Conservatoire de Paris avec Martin Marsick, Ambroise Thomas, Théodore Dubois, André Gédalge, Jules Massenet et Gabriel Fauré. Ses camarades se nomment Fritz Kreisler, Jacques Thibaud et Carl Flesch. Avant même d'être sorti du Conservatoire, son Poème roumain est créé aux concerts Colonne en 1898 avec un succès considérable. Ses premières œuvres de musique de chambre – créées par Alfred Cortot, Édouard Risler ou Jacques Thibaud – rencontrent un accueil analogue (Sonates pour violon et piano nos 1 et 2, 1897 et 1899, pour violoncelle et piano no 1, 1898 ; Suite pour piano no 1, 1897 ; Mélodies op. 4, 1898). Le choix des formes classiques montre qu'Enesco cherche à s'insérer dans une tradition, issue à la fois de l'école viennoise et de l'école française. Mais il n'en demeure pas moins roumain, et ses deux Rhapsodies roumaines (1901) concrétisent le succès du Poème roumain inspiré de la même démarche directe vers la musique populaire, citée textuellement, de façon brute. Ces deux pièces pour orchestre marquent aussi la fin d'une certaine approche de la musique populaire roumaine. Par la suite, Enesco effectuera un travail de reconstitution, beaucoup plus proche de la réalité roumaine, qu'il intégrera à sa musique, en conciliant les impératifs formels et les sources authentiques que sa mémoire lui restitue. Car, chez Enesco, contrairement à Bartók, tout est spontané, mémorisé, reconstitué ; la citation s'efface au profit de l'atmosphère.

La musique de chambre et la musique instrumentale continuent d'occuper une place prédominante dans sa production jusqu'en 1920 : Trois Suites pour piano, Octuor à cordes (1900), Dixtuor à vent (1906), 7 Mélodies sur des poèmes de Clément Marot (1908), Quatuor pour piano et cordes no 1 (1909), Trio (1916), Quatuor à cordes no 1 (1920) ; ses trois symphonies datent aussi de la même période (1905, 1913, 1918). Ces années de fécondité exceptionnelle entremêlent les différents héritages assimilés par le jeune musicien : clarté française, construction germanique, présence roumaine.

Les tournées de concerts se succèdent et lui permettent de jeter les bases d'une infrastructure musicale en Roumanie. Chaque année, il revient à Bucarest, où il révèle au public roumain la musique de son temps aussi bien que les grands classiques. Les concerts qu'il dirige en pédagogue exceptionnel lui permettent de former progressivement un orchestre de qualité à Bucarest. Dès 1912, il fonde un prix de composition musicale (qui couronnera Mihaïl Jora, Stan Golestan, Marcel Milhalovici, Dinu Lipatti...)[...]

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Écrit par

  • : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France

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Georges Enesco - crédits : Thurston Hopkins/ Picture Post/ Getty Images

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Yehudi Menuhin - crédits : Erich Auerbach/ Getty Images

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