FRIEDMANN GEORGES (1902-1977)
Par son œuvre, par son enseignement, par son exemple, Georges Friedmann a été l'un des principaux responsables de la renaissance des sciences sociales en France au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
Le jeune intellectuel des années 1930 est d'abord un philosophe : entré, après de premières études de chimie, à l'École normale supérieure, agrégé de philosophie (1926), il interroge la société en crise économique et morale avec les outils de l'analyse marxiste. Mais il s'en sert, dès ces premières années, pour poser des questions concrètes et orienter une observation rigoureuse des réalités. Aidé dans cette voie par son séjour au Centre de documentation sociale de l'École normale supérieure (1931-1934), il se tourne vers les problèmes du travail, qu'il touche directement par son activité dans l'enseignement technique (il fait même un apprentissage de mécanicien à l'école Diderot). La Crise du progrès (1936) marque une première étape de ses réflexions sur l'organisation du travail et sur les rapports sociaux. Pour étudier les mêmes questions en U.R.S.S., il apprend le russe et, au cours de plusieurs séjours, recueille la matière de deux ouvrages, Problèmes du machinisme en U.R.S.S. et dans les pays capitalistes (1934) et De la Sainte Russie à l'U.R.S.S. (1938). Dans ce dernier livre, écrit avec sympathie mais avec lucidité, il sait révéler, derrière les débats de doctrine et de principe, les élans et les difficultés d'une croissance économique et d'une transformation sociale sans précédent. L'occupation de la France en 1940 le jette dans la clandestinité et dans la Résistance. Au lendemain de la guerre, il publie les Problèmes humains du machinisme industriel (1946), somme de ses travaux antérieurs, où il a mis tout l'acquis de ses enquêtes, de ses expériences et de ses réflexions sur le travail, le taylorisme, l'apport des sciences humaines. Mais, en même temps, par l'entremêlement des problèmes d'organisation et des problèmes de finalité, il y pose clairement ce qui sera la question centrale de son œuvre : que devient, dans ses contraintes techniques et dans sa réalité sociale, le travail humain ?. Quelle est la part que font, à l'activité créatrice et transformatrice du monde par excellence, la machine et la technique d'une part, l'entrelacs des rapports sociaux de l'autre ? Questions nourries par une réflexion philosophique permanente (Leibniz et Spinoza, 1946), mais adressées à la vie sociale quotidienne.
Les années de 1945 à 1960 sont celles où il prend toutes ses responsabilités d'animateur de la jeune sociologie. Il dirige à Paris le Centre d'études sociologiques (1949-1951), réunit, dans un séminaire hebdomadaire à la sixième section de l'École pratique des hautes études, les jeunes chercheurs et les praticiens de l'industrie, enseigne les sciences sociales à des techniciens et à de jeunes cadres au Conservatoire national des arts et métiers (1946-1959). Son audience devient internationale. Il préside l'Association internationale de sociologie (1956-1959) et il est choisi pour être le premier président de la faculté latino-américaine de sciences sociales (1958-1964). Le Traité de sociologie du travail (1961), qu'il a dirigé avec Pierre Naville, couronne cette œuvre de conquête d'un domaine scientifique nouveau.
Devant la division croissante des tâches, il relève les efforts faits pour aller en sens contraire et cherche son information en Europe comme aux États-Unis (Où va le travail humain ?, 1950 ; Le Travail en miettes, 1956). Le développement des techniques n'agit pas seulement sur les postes, les qualifications et les relations de travail. Il transforme la consommation, les relations quotidiennes, la culture, en créant un milieu technique dont les contraintes nouvelles[...]
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Écrit par
- Jean-Daniel REYNAUD : professeur au Conservatoire national des arts et métiers
Classification
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