GURVITCH GEORGES (1894-1965)
Georges Gurvitch est né le 20 octobre 1894 à Novorossisk, en Russie, d'un père banquier. Il fait des études de droit à Saint-Pétersbourg, où le milieu académique est particulièrement réceptif à la philosophie allemande néo-kantienne, qu'il part étudier à Leipzig et à Heidelberg, de 1912 à 1914. En 1915, il est de retour à Saint-Pétersbourg, rebaptisée Petrograd, où il décide de préparer le professorat. Il est assistant quand éclate la révolution d'Octobre, à laquelle il prend part en siégeant au soviet local. Il obtient en 1920 l'agrégation en philosophie et en droit, mais son esprit critique prépare sa future disgrâce : Trotski aurait dit à Lénine de se méfier de lui. De fait, après la prise du pouvoir par Staline, il est rapidement considéré comme un agitateur et reçoit, après avoir publié un article contre le traité de Brest-Litovsk, des mises en garde qui le décident à partir pour l'Allemagne rejoindre une nombreuse communauté d'émigrés russes.
Du droit à la sociologie
En Allemagne, il enseigne dans plusieurs associations d'étudiants russes de Berlin, puis à la faculté de droit, où il donne des cours de droit public tout en préparant une thèse de doctorat consacrée à Fichte, qu'il soutient en 1925. Il profite de l'aide au départ vers la France, organisée par le gouvernement tchécoslovaque de Tomás Masaryk en faveur des exilés. Il devient alors chargé de cours à la section russe de l'Institut d'études slaves de Paris et, vraisemblablement grâce au philosophe Léon Brunschvicg, il commence à se faire un nom en France en donnant dès 1927 des cours libres à la Sorbonne. Il reprend des études et soutient en 1932 ses deux thèses sur L'Idée du droit social. Il se lie avec la communauté des sociologues français, en particulier avec les membres de l'école d'Émile Durkheim, si bien qu'il obtient un poste de chargé de recherche au C.N.R.S. (1931-1935), puis est nommé professeur (chaire de sociologie à Strasbourg, 1935-1948).
Mobilisé sur la ligne Maginot le 24 août 1939, il est réformé le mois suivant. En octobre 1940, le gouvernement de Vichy le révoque de ses fonctions, en application de la loi du 3 octobre 1940 excluant les juifs de la fonction publique. Il se réfugie alors à Clermont-Ferrand, puis il s'enfuit aux États-Unis, invité par la New School for Social Research de New York, avec l'aide de la fondation Rockefeller. Là-bas, il fonde en 1941 l'École libre des hautes études. Il y côtoie, outre nombre d'universitaires français en exil, les principaux ténors de la sociologie américaine, ce qui lui permet de revenir en France fort de relations, de savoir et de publications qui lui confèrent une position institutionnelle de premier ordre. En effet, en mars 1946, il prend l'initiative de la création du Centre d'études sociologiques, premier – et longtemps unique – laboratoire public de recherches de l'après-guerre, placé sous la direction du C.N.R.S., qu'il dirige jusqu'en 1949. Il fonde les Cahiers internationaux de sociologie, principale revue française de sociologie jusqu'en 1960.
En 1950, il est nommé professeur titulaire de la chaire de sociologie de la Sorbonne – à cette époque, il n'y a en France que trois chaires rattachées à la sociologie – et directeur d'études à la VIe section de l'École pratique des hautes études. En 1958, il est l'un des principaux instigateurs de la mise en place d'une licence de sociologie. Il poursuit l'institutionnalisation de la discipline en créant, avec Henri Janne, l'Association internationale des sociologues de langue française. Pendant une vingtaine d'années, Georges Gurvitch est donc un personnage clé du monde de la sociologie française, occupant une position quasi monopolistique. Malgré cette situation privilégiée, son influence – autant académique[...]
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Écrit par
- Jean-Christophe MARCEL : maître de conférences en sociologie
Classification
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