DANTON GEORGES JACQUES (1759-1794)
La chute et le jugement de l'histoire
Robespierre, d'abord ébranlé, semble prêt à s'unir à Danton, puis se reprend. Démasqué, Fabre est arrêté. Desmoulins est exclu des Jacobins. Philippeaux est débouté de ses accusations. Un dernier espoir pour les Indulgents : la répression qui s'abat en ventôse sur leurs ennemis jurés, les Cordeliers et Hébert. C'est mal se rendre compte que Robespierre, après avoir décapité sa gauche, ne peut éviter de frapper sa droite. Pourtant l'Incorruptible hésite encore ; il a plusieurs entretiens secrets, qui tournent mal, avec Danton chez des amis communs ; il se décide enfin, sous la pression de Billaud-Varenne (qui n'a consenti à avaliser la condamnation des Cordeliers qu'en exigeant en contrepartie celle des Indulgents). Prévenu, Danton avait refusé d'émigrer (« On n'emporte pas la patrie à la semelle de ses souliers ») ; il se savait trop compromis par ses amis, et en même temps trop coupé des masses, pour garder une illusion ; il se sentait las (sauf en de rares occasions, ce colosse était d'une extrême indolence). Arrêté le 10 germinal au soir (30 mars 1794), traduit devant le Tribunal révolutionnaire, il se défend avec des éclats de voix si éloquents qu'il faut extorquer à la Convention un décret, assez immonde, pour clore les débats hors de sa présence. Il est guillotiné le 16 germinal (5 avril). Son dernier mot sera pour dire au bourreau : « Tu montreras ma tête au peuple ; elle en vaut la peine. »
S'intéresser à Danton aujourd'hui, c'est parcourir un champ de bataille ; le champ d'une des batailles les plus acharnées de l'historiographie révolutionnaire, mais dont l'intérêt stratégique actuel apparaît de plus en plus minime et où l'on ne gaspille plus guère de cartouches. Les jugements de ses contemporains sur lui sont presque tous sévères. C'est dans la seconde moitié du xixe siècle que Danton devient, malgré ses détracteurs robespierristes (Louis Blanc, Ernest Hamel, Jean Jaurès), le héros de la bourgeoisie libérale puis radicale : Jules Michelet, puis le positiviste Jean-François Eugène Robinet, puis surtout Alphonse Aulard l'exaltent toujours davantage. La contre-attaque décisive sera menée par Albert Mathiez qui, procureur passionné s'appuyant sur un dossier bien fourni, renverse de son socle la statue de l'idole pourrie. Georges Lefebvre admettra la plupart des accusations de Mathiez, mais les assortira de plus d'estime et d'une curieuse sympathie. Aujourd'hui, qui songerait encore à ranimer le duel Robespierre-Danton, à voir l'essentiel de l'histoire révolutionnaire à la lumière des cultes contradictoires de ces deux personnalités ?
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- Jean MASSIN : écrivain
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