LAMBRICHS GEORGES (1917-1992)
Né le 5 juillet 1917 à Bruxelles, Georges Lambrichs rencontre Jean Paulhan à vingt ans, alors qu'il vient de lui soumettre un texte. Le directeur de La Nouvelle Revue française sera pour lui une référence constante, aussi bien par ses écrits, sa lucidité critique et son goût de l'ellipse que par sa manière de concevoir l'esprit d'une revue. Car, pour Georges Lambrichs, la littérature, avant de se matérialiser dans telle ou telle œuvre singulière, doit impérativement passer par cette communauté utopique – la seule qu'il reconnaisse – qu'est la revue. Après guerre, il participera à la publication de Réponse, 84, plus tard de Monde nouveau, et collaborera également à Troisième Convoi.
Entré en 1945 aux jeunes éditions de Minuit, d'abord comme lecteur puis comme directeur littéraire, il y publie les œuvres de ses proches amis : Pierre Klossowski, René de Solier, Henri Thomas, et celles d'autres écrivains, alors entièrement inconnus : Samuel Beckett (Molloy, 1951), Alain Robbe-Grillet (Les Gommes, 1953), Michel Butor (Passage de Milan, 1954). Georges Lambrichs quitte les éditions de Minuit en 1955. Après un court passage chez Grasset où il dirige, de 1957 à 1959, La Galerie, qui publie entre autres André Pieyre de Mandiargues, François Nourrissier, Dominique Fernandez, Christiane Rochefort, il entre en 1959 aux éditions Gallimard, où il fonde la collection Le Chemin, qui se caractérise d'emblée par son ouverture aux genres les plus divers et son intérêt pour des styles opposés, sinon antagonistes. Citons, entre autres, Jacques Borel, Michel Chaillou, Michel Deguy, Michel Foucault, Pierre Guyotat, Pascal Lainé, J.-M. G. Le Clézio, Georges Perros, Jacques Réda, Jean Roudaut, Jean Starobinski, Jude Stefan, Jean-Loup Trassard... À partir de 1967, des cahiers trimestriels accompagneront cette collection dont aucune « ligne » ne vient brider les choix. Une seule exigence : faire découvrir la littérature dans le mouvement contradictoire, voire erratique, qui lui est propre. Loin de tout fantasme de rupture, les œuvres proposées s'efforceront plutôt de tisser avec la mémoire littéraire des liens subtils mais jamais privés de nécessité. En septembre 1977, Georges Lambrichs succède à Marcel Arland à la tête de La Nouvelle Revue française. Là encore, le souci de la continuité demeure « pour mieux défendre et assurer – précise Georges Lambrichs dans un texte liminaire – cette marge de liberté et de qualité sans lesquelles, en effet, la littérature cesserait d'exister ». En 1987, il abandonne la direction de La Nouvelle Revue française mais n'en continue pas moins de s'occuper du Chemin, en publiant de jeunes auteurs tels que Benoît Conort, Christian Bobin, Patrick Cahuzac. Parallèlement à son travail d'éditeur, Georges Lambrichs aura bâti une œuvre d'écrivain secret mais obstiné, non loin de Jean Paulhan et de Georges Bataille. Chaystre, ou les Plaisirs incommodes (1948), Les Fines Attaches (1957), Les Rapports absolus (1949), Mégéries (1974) : déjà, un peu de leur nature paradoxale transparaît dans les titres de ces ouvrages où le récit et le monologue intérieur, l'aphorisme et la chose vue se mêlent à plaisir. D'abord déconcerté par ce qu'on pourrait caractériser comme d'ironiques exercices spirituels, et pour peu qu'il se laisse prendre aux mots, comme le lui conseille Georges Lambrichs, le lecteur découvrira un univers d'une rare densité, où l'usage constant de l'allusion, de la litote, fait figure de règle du jeu, et où, là encore, c'est à la contradiction qu'il revient de mouvoir le langage. L'ultime écrivain que Georges Lambrichs nous laisse le soin de découvrir, ne serait-ce pas lui-même ?
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Écrit par
- Gilles QUINSAT : écrivain
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