LAUTNER GEORGES (1926-2013)
Né à Nice en 1926, élevé dans le sérail (il est le fils de l'actrice Renée Saint-Cyr), habitué des studios de la Victorine et de la Côte d'Azur où il a tourné treize longs-métrages sur la quarantaine réalisés jusqu'au milieu des années 1990, Georges Lautner est parmi les réalisateurs dont les films sont le plus fréquemment reprogrammés aux heures de grande écoute par les télévisions hertziennes, ce qui contraste avec la place extrêmement mesurée que leur auteur occupe dans les histoires du cinéma.
Il débute dans le long-métrage exactement en même temps que les réalisateurs de la Nouvelle Vague (La Môme aux boutons, 1958) et se cherche un temps entre cinéma d'auteur et films centrés sur des problèmes de conscience (Marche ou crève, 1960 ; Arrêtez les tambours, 1961 ; Le Septième Juré, 1962), mais il oblique rapidement vers l'humour et la parodie avec la série des trois Monocle (Le Monocle noir, 1961 ; L'Œil du monocle, 1962 ; et Le monocle rit jaune, 1964) où Paul Meurisse cisèle un savoureux personnage d'agent secret, un anti-James Bond à la française. Énorme succès commercial, Les Tontons flingueurs (1963) renouvelle le comique des années 1960 en proposant un pastiche très réussi de film noir : adapté d'un roman d'Albert Simonin, dialogué par un Michel Audiard d'une drôlerie irrésistible et interprété par Lino Ventura, Bernard Blier, Francis Blanche et Jean Lefèvre s'amusant de leurs ineffables personnages de Pieds Nickelés, Les Tontons flingueurs nous donne une suite ininterrompue de scènes d'anthologie. Reprenant exactement la même équipe, Les Barbouzes (1964) gomme les aspects les plus culottés des Tontons flingueurs et force sur les courses-poursuites avec destruction burlesque de tous les décors. Mais le principe de près d'une trentaine des films qui suivront est trouvé : le balancement entre polar d'action et comédie de mots.
Dès lors la recette s'étalonne en valeur professionnelle, Lautner s'ingéniant à mettre son talent de metteur en scène au service des deux atouts du cinéma français de grande audience des années 1965-1990 : les comédiens et les scénaristes-dialoguistes. Le cinéma répond ainsi exactement aux vœux de ceux qui président pendant ce quart de siècle aux destinées économiques du cinéma national : méfiance envers l'expression artistique, transparence de la technique, primauté donnée au pur spectacle, refus de toute originalité ; en contrepartie, on trouve là une superbe efficacité dramatique comme visuelle, un rythme enlevé, un amour du détail, une quintessence des moyens cinématographiques classiques, peaufinant stéréotypes et clichés, certes attendus mais impeccablement ciselés. Autant de traits qui font des films de Lautner les représentants du cinéma français commercial haut de gamme.
Présentés à leur avantage dans des intrigues taillées sur mesure, face à d'autres interprètes chargés de leur donner la réplique sans leur voler pour autant la vedette, prononçant des dialogues intégrant subtilement leurs tics préférés, filmés sous leur meilleur profil, toujours légèrement décalés pour suggérer le détachement de ceux auxquels on ne la fait pas, Alain Delon (Il était une fois un flic, 1971 ; Les Seins de glace, 1974 ; Mort d'un pourri, 1977), Jean-Paul Belmondo (Flic ou voyou, 1979 ; Le Guignolo, 1980 ; Le Professionnel, 1981 ; Joyeuses Pâques, 1984, tous dans les premiers au box-office de la période) occupent le haut de l'affiche. Mireille Darc, pour sa part (douze films avec Lautner, son Pygmalion), présente plusieurs visages, entre celui de La Grande Sauterelle (1966), belle, blonde et bonne fille, et Galia (1965), jeune femme assumant sa vie amoureuse en dehors de toute contrainte morale ou sociale.
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Écrit par
- René PRÉDAL : professeur honoraire d'histoire et esthétique du cinéma, département des arts du spectacle de l'université de Caen
Classification
Autres références
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