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LEFEBVRE GEORGES (1874-1959)

Un historien au présent

L’échec du Front populaire et l’arrivée de la guerre, à l’automne de 1939, brisent cette dynamique. La crise politique infléchit le travail de l’historien. Avant que Marc Bloch ne rédige L’Étrange Défaite, analyse de la débâcle française de 1940, Georges Lefebvre essaie de comprendre pourquoi et comment un régime, une société ou une classe politique peuvent s’effondrer. Dans la filiation de La Réaction thermidorienne d’Albert Mathiez (1929), il recourt à la notion de lutte des classes pour expliquer pourquoi ceux qu’il appelle Les Thermidoriens (1937) éliminent les robespierristes à l’été de 1794, enterrent la République sociale et aspirent à une République sans révolution, fondée sur la domination bourgeoise. La même année, il s’intéresse à un autre tournant dans Quatre-Vingt-Neuf, ouvrage dans lequel il tente d’expliquer la rupture de 1789 en présentant celle-ci comme la rencontre entre trois révolutions emboîtées (aristocratique, bourgeoise et populaire), imputant, contre les explications majoritaires, la chute de l’Ancien Régime avant tout aux élites privilégiées.

Pendant l’Occupation, Lefebvre choisit de continuer à donner des cours, en particulier sur le Directoire (publiés en 1946 sous le titre La France sous le Directoire). En 1946 s’achève sa carrière dans l’enseignement supérieur, alors qu’il a 72 ans. Pourtant, il reste actif et réédite une version augmentée de sa Révolution française en deux volumes (1951-1957), initialement publiée en 1931, ainsi qu’un livre d’essais (Études sur la Révolution française, 1954). Aujourd’hui moins connu que les fondateurs des Annales ou uniquement associé à la période révolutionnaire, Georges Lefebvre est pourtant placé aux côtés de Marc Bloch et de Lucien Febvre par Ernest Labrousse, en 1960, comme une des « trois cimes » de l’histoire sociale du premier xxe siècle.

Au-delà de l’histoire de la Révolution française, Lefebvre fait partie d’une génération qui a traversé deux guerres mondiales. Peut-être plus que les autres, ces historiens ont constaté qu’il ne suffisait pas d’inculquer l’histoire comme un roman national pour créer du commun, mais que la fabrique du passé demeure, avant tout, une activité critique : en 1946, il dénonce les « professeurs qui n’ont pas su [faire aimer la République] en la réduisant à un effort apparemment vain de la mémoire, sans éveiller l’imagination par le spectacle pittoresque, fourmillant et bariolé du passé, sans intéresser la raison par la recherche des causes, sans la mettre en rapport avec la vie ».

— Guillaume MAZEAU

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Écrit par

  • : maître de conférences en histoire moderne à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne

Classification

Autres références

  • RÉVOLUTION FRANÇAISE

    • Écrit par et
    • 29 554 mots
    • 3 médias
    Les rivalités universitaires vont continuer à déchirer les historiens professionnels, au moins jusqu'à l'installation de Georges Lefebvre à la Sorbonne (1937), qui tout à la fois consacre l'approche sociale marxisante et aborde les domaines inédits que sont l'étude de la paysannerie et des imaginaires...