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LEMOINE GEORGES (1935- )

Graphiste et illustrateur français, Georges Lemoine, né en 1935 à Rouen, se consacre au livre d'enfants, et particulièrement aux textes de portée philosophique.

Georges Lemoine débute en mettant en images des nouvelles orientales de Marguerite Yourcenar, de Michel Tournier (Barbedor, 1980) et Le Rossignol et l'empereur de Chine d'Andersen (1979). Il dessine des visages exprimant sagesse et sérénité, des personnages évoluant dans des paysages intemporels. Il transpose judicieusement l'histoire du Petit Soldat de plomb (1984), au début du xxe siècle, où tant de beaux jouets ont vu le jour ; il recrée avec une plasticité vivante les objets chers à Andersen : canard en aluminium, pantin en bois, soldat de plomb, danseuse de papier, etc. Le choix même des objets, la minutie dans leur représentation, la mise en page théâtrale (disposition insolite du poisson au ventre ouvert) et le grossissement confèrent à ses protagonistes inanimés une vie propre correspondant au sens profond du texte : les cadrages étudiés mettent en valeur l'isolement et l'impuissance du soldat. Le gros plan sur des visages d'enfants, ceux de Fanny et Alexandre, personnages du film d'Ingmar Bergman, seuls êtres humains représentés dans le livre, scelle l'accord entre l'univers de l'écrivain et celui de l'illustrateur. L'utilisation d'un matériau littéraire et de références cinématographiques et culturelles présentes dans les images de Lemoine (titres de livres d'enfants visibles) montre bien qu'il se veut un maillon dans la représentation culturelle de l'enfance. De même que l'Orient l'attire, les paraboles et l'Ancien Testament l'inspirent ; c'est avec simplicité qu'il traduit la parabole du fils prodigue (Sept Paraboles de Jésus, 1981) où les échanges de regards suffisent à dire l'amour paternel. Le regard et les visages s'offrent au lecteur, ainsi celui de Jonathan, l'enfant berger (Le Livre de la Création, 1987), celui de Naman le pêcheur dans la nouvelle de Le Clézio (Balaabilou, 1985), celui de Wang Fô le peintre (Comment Wang Fô fut sauvé, 1979) : finement modelé avec ses rides, ses cheveux blancs et son regard mystérieux, ce portrait concentre une expérience humaine.

Georges Lemoine est surtout un graphiste. Son trait est pur, presque retenu, sans volume. Seule la ligne compte, mélodieuse et discrète, qui permet une surimpression des formes sans que la lisibilité en soit réduite. Lemoine utilise davantage la juxtaposition de différents plans que la perspective : les pieds de Wang Fô apparaissant sur le haut de la page foulent un sol pierreux qui se fond insensiblement dans le paysage, créant un effet de marche pénible et incessant. Les couleurs sont diluées, presque transparentes, et n'interviennent que pour parfaire un climat, ainsi le portrait dans des tons bruns de la petite marchande d'allumettes où les larmes se confondent avec les flocons de neige.

Par la couleur, Lemoine exprime aussi sa subjectivité ; dans le texte de Marguerite Yourcenar (Notre-Dame des hirondelles, 1982), il pose en premier plan un corps nu de nymphe dont la chair rosée contraste avec la colline sombre semée de croix. Les tons monochromes utilisés pour représenter le jeune berger au milieu de son troupeau (Le Livre de la Création) laissent toute l'importance au visage, qui exprime la confiance et l'émerveillement face à la création et son adéquation au monde environnant. Par contre, la princesse Leila aux ongles laqués (Balaabilou), entourée d'accessoires raffinés, évolue dans des tonalités fraîches, vert et bleu tendre, et l'illustration finale réussit à suggérer les sentiments qui la lient au prince. Georges Lemoine est particulièrement à l'aise dans l'art de la suggestion, de la demi-teinte. Ses personnages presque toujours statiques et[...]

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  • JEUNESSE LITTÉRATURE POUR LA

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    ...illustrant en 1978 les Petits Contes nègres pour les enfants des Blancs de Blaise Cendrars mais aussi, en 1968, Tistou les pouces verts de Maurice Druon. George Lemoine illustre pour sa part les œuvres d'Andersen, Wilde, Marguerite Yourcenar, Le Clézio, Tournier, sans oublier Paris poésie de Rolande...