BUFFON GEORGES LOUIS LECLERC comte de (1707-1788)
Le naturaliste
L'œuvre scientifique de Buffon touche essentiellement à trois domaines des sciences naturelles, la géologie, la biologie générale et la zoologie, à laquelle il faut associer l'anthropologie. Les Époques de la nature (Supplément, t. V, 1779) forment une espèce de synthèse de sa pensée dans tous ces domaines.
À la « théorie de la Terre » Buffon a consacré un long traité en 1749 (Histoire et théorie de la Terre, Hist. nat., t I), puis de nombreux articles du Supplément (t. II, 1775). Enfin, après les Époques de la nature, l'Histoire naturelle des minéraux, sa pensée a évolué, mais est restée fidèle à certains principes. En particulier, Buffon a toujours refusé les théories « catastrophiques » et ne veut admettre en géologie que les « causes lentes », les « causes actuelles », celles qui agissent encore aujourd'hui.
Dès 1749, Buffon présente une hypothèse importante sur l'origine du système solaire : il suppose que le Soleil a été heurté tangentiellement par une comète (il croyait, avec Newton, que le noyau des comètes était très dense) et que la matière arrachée au Soleil par ce choc a formé les planètes. Cette hypothèse ne respectait pas les lois de la mécanique céleste (comme Euler le démontra aussitôt), mais elle n'en est pas moins la première cosmogonie d'inspiration newtonienne qui s'oppose en même temps à l'aspect providentialiste de la pensée de Newton lui-même.
Attentif, comme tous ses contemporains, à la présence d'innombrables débris fossiles dans les lits de roche, Buffon, en 1749, attribue à l'action de l'eau la formation de tout le relief terrestre. Par la suite, il admet qu'un premier relief a été constitué au moment où le globe terrestre, d'abord en fusion, s'est solidifié. L'eau a ensuite agi sur ce premier relief, en décomposant le « verre primitif », en nourrissant les animaux à coquilles, en transportant et en déposant leurs débris et les produits de l'érosion. Cette hypothèse de l'action physico-chimique de l'eau est à l'origine de l'idée importante de la « génésie des minéraux », c'est-à-dire de leur formation à partir d'une roche primitive. Persuadé de la solidité absolue du globe terrestre, au moins dans ses couches supérieures, Buffon n'a pas eu l'idée des roches métamorphiques. Sa pensée minéralogique est évidemment faible, faute de connaissances chimiques suffisantes. Il lui reste le mérite d'avoir définitivement imposé une attitude scientifique en face des problèmes de l'histoire de la Terre, d'avoir affirmé l'origine animale ou végétale des fossiles et l'origine végétale du charbon de terre, et surtout d'avoir tenté de dater le passé de notre globe.
En biologie générale, Buffon a surtout étudié le problème de la reproduction, propriété essentielle de la matière vivante. Il imagine cette matière comme formée d'atomes vivants, les « molécules organiques vivantes ». Absorbées au cours de la nutrition, recevant dans l'organisme des parents l'« empreinte » d'un « moule intérieur », ces molécules sont aptes à se rassembler pour former un nouveau corps vivant, semblable à celui des parents. Cette théorie a surtout le mérite de réintroduire l'épigenèse et l'étude des phénomènes d'hérédité dans un domaine où la théorie régnante de la préexistance des germes avait stérilisé la recherche. Restait à expliquer l'origine de ces « molécules organiques » : Buffon le fera dans les Époques de la nature.
La description des espèces animales, quadrupèdes et oiseaux, constitue la majeure partie de l'Histoire naturelle. Buffon élargit le cadre de ces descriptions, y introduisant l'étude des caractères physiologiques, des mœurs et de l'habitat. L'attention[...]
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Écrit par
- Jacques ROGER : professeur d'histoire des sciences à l'université de Paris-I, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
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