MOUNIN GEORGES (1910-1993)
Georges Mounin a été connu comme militant du Parti communiste – ainsi qu'ami et témoin des poètes – pendant une longue partie de sa vie et comme linguiste éminent – professeur de linguistique générale – pendant la dernière partie de sa carrière.
Cet itinéraire original commence le 20 juin 1910 à Vieux-Rouen-sur-Bresle, en Normandie. Là, Louis Leboucher, fils d'un ouvrier verrier, put observer très tôt le monde du travail avant d'entrer à l'école primaire supérieure, puis à l'école normale d'instituteurs de Rouen. Il enseigna d'abord dans l'Hérault, puis en Égypte où il partit très jeune comme professeur adjoint au lycée de Port-Saïd. Là s'offrit à lui l'occasion de nombreux contacts, dans un pays où il y avait des communistes actifs – on se souvient d'Henri Curiel –, mais sans parti ni organisation. Cette façon assez indépendante d'aborder l'action communiste militante se confirma, au retour d'Égypte, par un contact très précis avec les milieux du Parti communiste italien, dont il subit fortement l'influence. À la veille de la Seconde Guerre mondiale, pendant la période de la Résistance où il se trouvait en Isère, et surtout après 1945, Georges Mounin fit partie des jeunes intellectuels marxistes qui cherchèrent à ouvrir le P.C.F. à de multiples débats contemporains : lettre à Jean Grenier, discussion critique avec Albert Béguin, collaboration aux Lettres françaises, à Action, à Confluences de René Tavernier, à Esprit d'Emmanuel Mounier et, bientôt, aux Temps modernes de Sartre. Ses interventions allaient toujours dans le sens d'un échange avec ceux, intellectuels ou artistes, qui se situaient à l'extérieur du Parti communiste mais entendaient dialoguer avec lui. On conçoit que cette voie l'ait conduit à une « non-orthodoxie » progressive qui devait se manifester, au moment de la guerre d'Algérie, par son adhésion au Manifeste des 121, et s'achever par son éloignement du Parti en 1980.
Mais il faut ajouter à son activité militante dans cette période un engagement très marqué en faveur d'une poésie nouvelle. C'est sans doute la lecture de René Char – Mounin avait été nommé à l'école primaire supérieure de L'Isle-sur-la-Sorgue en 1938 – qui, sur ce plan, joua un rôle déterminant dans ses choix. Son essai Avez-vous lu Char ? (1946, repris en 1969 dans La Communication poétique) marqua une date importante du renouveau de l'attention portée à la poésie après la guerre. Dès lors, Georges Mounin ne cessa pas d'être l'observateur et le témoin du travail de certains poètes, dont plusieurs, de Gabriel Cousin à Franck Venaille, furent très proches de lui.
C'est sans doute la poésie qui le conduisit à l'étude du langage. Un poste de chercheur, puis de professeur de linguistique générale à la faculté des lettres de l'université d'Aix-en-Provence – où il s'était installé –, une thèse sur Les Problèmes théoriques de la traduction (1963), dont il était devenu un grand spécialiste, furent les étapes d'un parcours universitaire – dans la perspective des orientations de son maître, André Martinet – qui lui conféra une autorité parmi les linguistes de sa génération, en dépit de polémiques qu'il entretint un temps avec certains tenants du structuralisme. C'est comme linguiste que le situèrent essentiellement les divers ouvrages qu'il publia dans les années soixante et soixante-dix (Histoire de la linguistique des origines au XXe siècle, 1967 et 1974 ; Clefs pour la linguistique, 1968 ; Clefs pour la sémantique, ibid. ; La Linguistique du XXe siècle, 1972). Mais ses lecteurs ne pouvaient oublier sa culture italienne qui l'avait conduit à écrire sur Machiavel et Dante (Machiavel et Lyrisme de Dante, 1964),[...]
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Écrit par
- Raymond JEAN : Ecrivain, professeur de littérature française contemporaine à l'université de Provence, Aix-Marseille-I.
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