POLITZER GEORGES (1903-1942)
Le double signe de la mort domine l'œuvre et la destinée de Georges Politzer. L'existence qui s'achève devant un peloton d'exécution réitère en quelque sorte le sacrifice d'une pensée originale, qu'exigera l'adhésion au parti communiste. En dépit de ses divergences avec les théories de Wilhelm Reich et de Georges Bataille, la tentative de Politzer s'inscrit dans une ligne conceptuelle qui pressent la nécessaire convergence de l'analyse marxiste et de la psychanalyse. L'intérêt de ses recherches en matière de « psychologie concrète » mérite aujourd'hui d'être redécouvert, au-delà du discrédit qu'a longtemps attachée à son nom la caricature stalinienne du marxisme, détaillée dans ses Principes élémentaires de philosophie.
Fils d'un avocat hongrois, Georges Politzer est né à Nagyvárad (Autriche-Hongrie). Réfugié en France après l'échec de la révolution de Bela Kun, il fait ses études de philosophie à la Sorbonne et obtient son agrégation en 1926. Professeur à Moulins, puis à Cherbourg, il fonde avec Henri Lefebvre, Paul Nizan et Pierre Morhange des revues telles que Philosophies (1923) et L'Esprit (1926). Il traduit Schelling, étudie la psychanalyse et publie, en 1928, Critique des fondements de la psychologie. En 1929, il adhère au parti communiste et fait paraître sous le pseudonyme d'Arouet La Fin d'une parade philosophique, le bergsonisme. Membre du comité central du Parti communiste français, il donne des cours à l'Université ouvrière et publie, dans La Pensée, « La Philosophie et les mythes » et « Révolution et contre-révolution au xxe siècle », où il entend opposer à l'irrationalisme nazi et à la pensée qui l'a nourri l'union autour du « rationalisme moderne » et d'un marxisme scientifique. Résistant sous l'occupation allemande, il est arrêté et fusillé en 1942 au mont Valérien.
La critique de la psychologie classique s'en prend au processus d'abstraction. Celui-ci réduit le comportement à un ensemble de mécanismes qui a sa contrepartie dans une sorte de mystère de l'intériorité. Ainsi se trouve négligé le caractère individuel de la matière humaine, son aspect primordial, qui est celui de la « première personne ». Une psychologie concrète doit, selon Politzer, fonder une « science du je ». Attiré par la psychanalyse, il est amené à s'en méfier en raison de l'usage qu'en fait la bourgeoisie. La notion même d'inconscient lui paraît un signe de mécanisme et d'abstraction. D'autre part, il lui est aisé de railler Henri Bergson, qui allie l'artifice des catégories psychologiques et une mystique de l'homme intérieur, dont une brumeuse intuition serait le guide éclairé.
Le projet de découvrir l'individu concret implique à la fois le rejet d'une objectivation en catégories abstraites ou en mécanismes, qu'ils soient freudiens ou behavioristes, et d'une subjectivité qui s'apparenterait, elle aussi, à une catégorie métaphysique. Politzer fonde l'action de l'homme particulier sur une relation entre l'individu et la société, qu'il appelle le « drame humain ». Le premier numéro de la Revue de psychologie concrète (1929) recherche la structure de ce drame dans des éléments de culture, tels que le théâtre et la littérature. C'est ici que, à défaut de saisir par quel processus l'être concret devient abstrait et est vécu sur un mode dramatique, Politzer en arrive à l'idée que la psychologie doit « s'enchâsser » dans l'économie et que le déterminisme psychologique n'agit que dans les « mailles » du déterminisme économique. Le reproche, adressé à Bergson, d'avoir échoué à fonder une analyse de la vie se retourne contre Politzer, qui va désormais privilégier la science du changement économique, clé du changement[...]
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Écrit par
- Raoul VANEIGEM : écrivain
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PSYCHANALYSE
- Écrit par Pierre KAUFMANN
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