POMPIDOU GEORGES (1911-1974)
L'improbable héritier
Celui qui reste perçu par les Français comme l'héritier présomptif du général de Gaulle n'aura pas à attendre longtemps son heure. Le référendum malheureux d'avril 1969 précipite le départ du général, et Pompidou n'attend pas deux jours pour déclarer sa candidature, massivement approuvée par le bureau politique de l'UDR. Tandis que le jeune chef de la droite centriste, Valéry Giscard d'Estaing, se rallie au candidat gaulliste, la gauche se présente en ordre dispersé. La voie est dégagée et, après une campagne consensuelle et recentrée, Pompidou obtient 44,5 % des voix dès le premier tour. Le Parti communiste français appelant à s'abstenir au second tour, l'improbable héritier du général est élu deuxième président de la Ve République, avec 58,21 % des voix, contre Alain Poher, le président du Sénat.
Le nouveau chef de l'État a désormais la tâche délicate d'assurer la pérennité du régime et d'incarner le gaullisme après de Gaulle. Il engage son mandat sous le signe de la continuité et de l'ouverture, en nommant à Matignon une éminente figure de la résistance gaulliste, ancien président de l'Assemblée nationale et fin connaisseur du personnel parlementaire, symbole du recentrage politique opéré pendant la campagne : Jacques Chaban-Delmas. Ce choix judicieux va néanmoins s'avérer être une source de conflits. Dans son discours de politique générale, le Premier ministre présente son ambitieux projet de « nouvelle société ». Il s'agit rien de moins que de « décrisper la société », de redéfinir le périmètre de l'action de l'État, de vivifier la société civile, de restaurer la compétitivité et de développer la solidarité. Le président, qui n'est pas nécessairement en désaccord sur le fond, n'a pas été averti de cette initiative et y verra une regrettable inversion des rôles.
Chaban-Delmas restera trois ans en poste avant d'être remplacé par Pierre Messmer, mais Pompidou ne se laissera plus « voler » la politique intérieure. Dans la conjoncture favorable des Trente Glorieuses, il poursuit une active politique de modernisation destinée à rattraper le retard de développement français : cet « impératif industriel » se trouve désormais inscrit en tête des préoccupations de l'État, notamment dans l'automobile, l'agroalimentaire et les secteurs de pointe (nucléaire, aéronautique, aérospatiale). De vastes fusions sont pilotées depuis l'Élysée, donnant naissance à des groupes mondiaux comme Saint-Gobain ou Pechiney. Pompidou était donc partisan d'une économie mixte faite de planification souple et d'une politique urbaine favorisant la construction de nombreux logements (les « grands ensembles », les grandes tours), ainsi que l'automobile en ville. Ce dirigisme se mâtinait de libéralisme, dans la mesure où cette politique était destinée à améliorer la productivité et la compétitivité des entreprises françaises sur le marché mondial, sans entraver la liberté d'initiative privée. De 1969 à 1973, la France connaît la plus forte croissance d'Europe, à peine assombrie par le premier choc pétrolier, et se hisse à la troisième place du commerce mondial. Sa politique sociale, quant à elle, ne dépasse guère l'encouragement à la promotion par le travail, l'élévation globale du niveau de vie par la croissance économique et le développement des équipements collectifs ; il refuse par ailleurs les projets gaullistes de « participation » des salariés au capital de l'entreprise. Durant sa présidence, la France voit son niveau de vie moyen progresser de 25 %, et le SMIC est revalorisé de 28 %.
Le président Pompidou n'avait pas renoncé à une ambition mondiale pour la France. Sans adhérer au fédéralisme, il relance la politique[...]
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Écrit par
- Arnault SKORNICKI : maître de conférences en science politique, université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense
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