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POULET GEORGES (1902-1991)

D'origine belge, Georges Poulet fut professeur à l'université d'Édimbourg, de Baltimore (1952, Johns Hopkins University), de Zurich (1956), de Nice enfin (1968). Sa bibliographie complète comprend une vingtaine d'ouvrages, d'Études sur le temps humain (1949) à La Pensée indéterminée (1985), ainsi que d'innombrables articles et préfaces, et un roman : La Poule aux œufs d'or (1927). Si l'on établit le tableau synoptique des auteurs traités par Poulet, une curiosité insatiable et variée s'y révèle, qui va de la Renaissance à Barthes ou Michaux et couvre tout le champ littéraire des cinq derniers siècles. Le champ, ou plutôt, pour employer le mot clé de l'œuvre de Poulet, la conscience littéraire.

Après sa thèse sur Les Relations entre les personnages dans le roman balzacien faite en 1924 et demeurée inédite jusqu'à ce jour, Georges Poulet publie en 1949 le premier tome de ses Études sur le temps humain qui en comprendront trois autres : La Distance intérieure (1952), Le Point de départ (1964) et Mesure de l'instant (1968). Lorsque ce premier tome parut, des critiques aussi différents que Maurice Nadeau et Albert Béguin le saluèrent comme un événement considérable, un tournant dans l'histoire de la critique littéraire. Georges Poulet y étudiait l'importance du temps dans la littérature, non pas comme thème mais comme impulsion créatrice. Ses études se situaient à la lisière entre philosophie, psychologie et critique littéraire au sens propre.

Si l'on voulait tenter un pari impossible et résumer en quelques mots le projet de Georges Poulet, on pourrait dire qu'à travers ses multiples études d'œuvres littéraires il cherche à retrouver la conscience qui anime chaque auteur d'une manière unique et à confronter cette conscience avec la sienne. Il ne s'agit nullement d'une identification, mais de “la substitution d'une conscience à l'autre, [de] l'installation de la première dans les lieux où régnait la seconde et d'où l'intrus la déloge”, écrit-il dans La Conscience critique (1971). Et de résumer la position du critique : “Le critique est le coucou installé dans le nid de l'auteur.”

Dans sa Préface à la réédition en poche des Métamorphoses du cercle (paru initialement en 1961), son disciple et ami Jean Starobinski, commentant le parcours de Poulet, écrivait : “L'expérience première est celle de la lecture, de la fascination exercée par “la pensée d'autrui”. Cette première lecture est d'emblée un mouvement qui remonte en deçà des œuvres.” Ce que confirmera Poulet dans le texte qui conclut La Conscience critique, texte qui est une sorte de courte autobiographie intellectuelle où Poulet explique notamment pourquoi il n'écrivit que relativement tard, après qu'il eut découvert, dans l'émerveillement, que “l'œuvre commençait toujours par une cogitation et [que] la critique qui la prenait pour objet d'étude se donnait le même commencement”. Il ne s'agissait donc plus tant pour le critique d'accompagner l'œuvre que de retrouver sa source première, ce que Poulet appelle “la prise de conscience” de l'auteur lui-même. Et que cet auteur soit Proust (L'Espace proustien, 1963), Benjamin Constant (Benjamin Constant par lui-même, 1968), Baudelaire (Qui était Baudelaire ;, 1969) ou Rimbaud (La Poésie éclatée, 1980), la lecture nouvelle de Georges Poulet fait apparaître, pour chacun, des espaces au-delà du temps où la voix de l'auteur demande à travers les mots du critique : “Qui suis-je, moi ;”. La “leçon” de Poulet est que le critique doit “aller du sujet au sujet à travers les objets”, devenir autre sans cesser d'être soi. Le titre Entre moi et moi (1977) est à cet égard exemplaire. Mais “entre moi et moi”,[...]

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