RIBEMONT-DESSAIGNES GEORGES (1884-1974)
Né à Montpellier dans une famille bourgeoise, Georges Ribemont-Dessaignes fit le désespoir des siens par ses conceptions artistiques d'avant-garde. Peintre, musicien, romancier, poète et dramaturge, il fut un des précurseurs du mouvement dada en France. Sans lui pas de théâtre dada, pas de musique dada (son Pas de la chicorée frisée et Le Nombril interlope, morceaux pour piano composés à l'aide d'une roulette de salle de jeux, firent scandale). À travers une œuvre très diverse et coupée de longues périodes de silence, il parcourt un itinéraire qui le mène de la négation violente et destructrice de Dada à une reconstruction plus sereine du monde qui laisse pourtant percer un pessimisme profond et une vision désespérée.
Il a mené une enfance solitaire et choyée entre un père professeur d'obstétrique, personnage volage et mondain, et une mère qui lui préfère son frère cadet. Il ne va pas à l'école, mais reçoit les leçons d'un prêtre et d'un instituteur à domicile. Il se passionne pour les sciences naturelles et passe ses vacances à herboriser. Il achète dans une librairie un traité de composition et d'harmonie et compose en cachette une symphonie et un drame. Il se tourne brièvement vers la philosophie, puis décide soudain qu'il sera peintre. Son père, qui le voyait déjà peintre de salon comblé d'honneurs, le fait entrer à l'académie Julian puis à l'École des beaux-arts, ne se doutant pas que son fils aboutira à Dada !
Avec Marcel Duchamp et Francis Picabia, Ribemont-Dessaignes constitue l'un des groupes qui donneront naissance au mouvement dada. Les premiers poèmes de Ribemont-Dessaignes datent de 1915 : ce sont des œuvres dada avant la lettre. Mais, à cette époque, il est surtout peintre. Influencé par l'impressionnisme puis par les nabis, il cherche de nouvelles voies. Il s'intéresse à la peinture japonaise. La plupart de ses tableaux sont perdus. En 1913, il cesse de peindre. En 1920, influencé par Picabia, il reprend ses pinceaux et peint des toiles mécanistes dadaïstes, souvent au dos de ses premières œuvres. « Dada se fout de l'art et il en fait », déclare-t-il à cette époque. On imagine la joie de sa famille en écoutant ces violentes prises de position. En 1919, les deux amis envoient leurs œuvres au Salon d'automne. Placées sous un escalier, les toiles de Picabia et celles de Ribemont-Dessaignes sont mal accueillies. Ribemont-Dessaignes réplique par l'un de ses pamphlets les plus violents, Salon d'automne, publié dans la revue 391 (nov. 1919). Il devient d'ailleurs le gérant de la revue et y publie d'autres articles. En 1920, après une exposition à la galerie du Sans Pareil, il abandonne ses pinceaux pour la seconde fois. En 1944, il se remettra au dessin, composant d'abord de simples contours qui, peu à peu, s'emplissent de troncs et de feuillages tourbillonnaires, d'herbes folles et de pierres torturées.
1916 : Ubu est roi. La guerre fait rage. Mobilisé au ministère de la Guerre, Ribemont-Dessaignes compose, sur les fiches vertes de l'administration, sa pièce la plus connue, L'Empereur de Chine. Influencé par Jarry, dont il emprunte la violence, mais plus lyrique et plus poétique, il réfléchit sur le pouvoir absolu, sur la violence et sur l'absurde. On songe à Ubu, mais aussi à Caligula de Camus. La pièce sera montée en 1921 par Claude Autant-Lara. Ribemont-Dessaignes reprend le même thème en 1928, avec une autre pièce, Le Bourreau du Pérou. Viol, meurtre, inceste, mystification abondent. Le théâtre est mis en morceaux, haché en scènes courtes et rapides. On songe au « mécanisme » d'un Mack Sennett. Des objets se déplacent sur scène, qui font penser à Méliès, et qui annoncent Ionesco. Parmi les œuvres dramatiques de Ribemont-Dessaignes, citons encore Le Serin muet (1921),[...]
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Écrit par
- Marc BLOCH : auteur
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ANTI-ART
- Écrit par Alain JOUFFROY
- 3 063 mots
- 1 média
...avant, le néant auquel l'incite sa volonté de mort n'étant sans doute pas accessible. Oui, « l'art est plus fort que l'anti-art. Envoyé à la cave, écrit G. Ribemont-Dessaignes, il rentre par la cheminée » ; mais cette phrase a ceci de fragile, par rapport à Dada, qu'elle peut aisément se retourner : il suffit...